samedi 11 janvier 2014

La vie rêvée de Walter Mitty

Titre

La vie rêvée de Walter Mitty

Scénaristes

Steven Conrad, d'après l'oeuvre de James Thurber

Commentaire

Une jolie fable qui nous apprend à vivre son imaginaire plutôt qu'à le subir. Avis à tous les doux rêveurs.

1) Points forts
Walter Mitty (Ben Stiller) est pointilleux et traite les images argentiques dans un groupe de presse qui subit de plein fouet la convergence numérique. Pour maintenir son poste, il tente de retrouver un cliché perdu en parcourant le monde dans les endroits des plus insolites, à la recherche d'un photographe. L'enjeu est clair (perte d'emploi), le but aussi (trouver le cliché).
Un deuxième objectif vient relever le récit lorsqu'il tente de rencontrer l'âme soeur par un site de rencontres et qu'il tombe sur une collègue de bureau. Ce deuxième but renforce clairement la ligne dramatique.
Le scénario prend à nouveau une autre dimension lorsqu'on comprend qu'il illustre en fin de compte un combat entre le monde du réel (voyages insolites, rencontres physiques, photos argentiques, magazines papiers) et le monde virtuel (rencontres en ligne, imagination conflictuelle, magazines numériques). La force du récit repose ici donc dans son multiple niveau de lecture, à la fois personnelle et universelle.
La mise en scène très graphique des didascalies et du générique, de même que les apartés imaginaires assez proches de l'univers de JP Jeunet, bien que d'allure fantaisistes, concourent parfaitement à renforcer la beauté et l'imagination de notre héros.

2) Points faibles
L'enjeu de perdre son emploi paraît cela dit faible dès lors que l'on apprend, en court de route, que Mitty sera de toutes façons licencié. C'est dommage. Mais heureusement que le second objectif persiste et nous retient en haleine : l'amour.

3) Le même scénario, réécrit
La première résolution de l'enjeu du travail perdu pourrait être retardée, afin de renforcer l'effet du climax où tous les enjeux s'additionnent. Mais en l'état, il permet aussi un atterrissage en douceur, ce qui ne nuit absolument pas à ce récit poétique. Un très bon film.

vendredi 10 janvier 2014

Yves-Saint-Laurent

Titre

Yves-Saint-Laurent

Scénaristes

Jalil Lespert, Marie-Pierre Huster, Jacques Fieschi.

Commentaire

Une oeuvre sensible et des personnages très bien interprétés qui parviennent à compenser un enjeu limité.

1) Points forts
La caractérisation de ce duo entre Pierre Berger et Yves-Mathieu Saint-Laurent fonde la base du récit. Le premier, Pierre B, apparaît rigoureux dans la finance et guide son conjoint par procuration, au prix de nombreux compromis. YSL, quant à lui, ne peut réaliser son art sans le soutien du premier. Ainsi, les enjeux se dessinent progressivement. Yves apparaît fragile, suicidaire, facile à dérouter, et incapable de survivre sans soutien. Rappelons la scène où il tente une caresse sur un inconnu lors d'une soirée arrosée, il se fait alors tabasser immédiatement puis immortalisé dans une position équivoque par les paparazzi. Il risque à tout instant de basculer.

2) Points faibles
La passion des auteurs pour le style du couturier semble dominer sur la nécessité de clarifier un peu plus les enjeux. Qu'adviendrait-il en effet si YSL ne parvenait pas à se réaliser dans on art ? On sait qu'il en souffrirait, mais on ne perçoit pas jusqu'à quelle limite. En mourrait-il ? La marque en souffrirait-elle ? Celui qui se questionne le plus est finalement Pierre Berger. C'est d'ailleurs lui qui lance YSL et c'est lui qui pérénise son oeuvre postume. C'est encore lui qui décide de tout céder une fois la page tournée. Le besoin que YSL a de se réaliser n'est que l'élément déclencheur. Il nous manque une décision finale qui l'amène à se réaliser pleinement. C'est bien Pierre Berger qui subit tout, qui vit le plus de questionnements et dont les actions sont les plus déterminantes, de renoncements, de dévotion et de passion camouflée. YSL, l'artiste, reste pur dans sa folie grandissante, de bout en bout. Mais il n'évolue pas.

3) Le même scénario, réécrit
En plaçant Pierre Berger comme personnage secondaire, les auteurs sont sans doute passés à côté d'une meilleure intrigue, pour mieux centrer l'oeuvre sur le culte du styliste bien sûr. L'oeuvre bénéficie heureusement d'une superbe interprétation que seul le scénario ne saurait contenir. Si l'on ne devait considérer que la forme scénaristique, il aurait fallu permuter l'axe de la narration en le centrant sur Pierre Berger, celui qui vit le plus de questionnements. Le film n'en demeure pas moins un très beau biopic, à ne pas manquer.

mercredi 8 janvier 2014

Le loup de Wall Street

Titre

Le loup de Wall Street

Scénaristes

Terence Winter, d'après l'oeuvre de Jordan Belfort.

Commentaire

Un fresque jubilatoire avec un arrière-goût de manque, malgré ses 2h59 de folie passagère.

1) Points forts
Le récit relate la folie d'un trader de Wall Street de ses débuts à son aboutissement, tout en nuances et en détails. Cela faisait longtemps que le cinéma ne nous avait pas offert de tels portraits de salop, d'abord en innocent dépucelé, puis en violent assumé.
La qualité de caractérisation de chaque personnage, même les plus secondaires, relève plus encore la sauce. On soulignera par exemple l'homosexualité cachée d'un collègue, qui intègre le récit de manière parfaitement organique, lorsqu'on découvre que ce dernier a introduit des gays voleurs au sein du foyer de notre héro Jordan (Leonardo di Caprio), alors au pied du mur et en proie à se révéler en véritable mafieux revanchard.

2) Points faibles
Le film qui entretient l'absurde en juxtaposant les situations grotesques (gaspillages inconsidérés, moeurs sexuelles débridées, drogue, corruption) ne parvient pas à rivaliser avec l'humour encore plus extrême et décalé d'un Sacha Baron Cohen. Ce scénario était fait pour lui ! Ici, on sent la lourdeur d'un cinéma posé, léché, celui de papa.
Le sentiment de lenteur intervient également à force de laisser voir nos furieux traders dans leur seul univers, sans jamais se confronter à ce qui les oppose, ou si rarement. Ils ne rencontrent pas la misère, la chasteté, la sagesse, le calme, l'intégrité, tout ce qui aurait facilement contribué à renfocer le conflit et l'action. On se contente de compagnes parfois outrées par la rencontre d'une fille de joie encore plus dépravée, et d'un père au début un peu timoré mais vite assimilé.
Les dialogues ne font pas légion non plus. Quelques répliques sont même quelques fois téléphonées, compensées heureusement par des gags qui entretiennent l'attention un peu artificiellement mais agréablement.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit fait apparaître, lors des grandes manoeuvres boursières de nos protagonistes, une clientèle populaire, facile à piéger. Mais nous ne les voyons pas. Il aurait fallu les faire intervenir pour qu'ils réclament leur argent quand leurs actions s'effondrent. Nous aurions alors vu comment ces horribles financiers considèrent avec tant de mépris les humbles gens et les éventuelles questions existentielles qu'ils se posent ou non. Les frasques de chaque nouvelle manoeuvre économique n'auraient alors pas eu besoin d'être aussi nourrie de fantaisie pour retenir notre attention, sur ces presque 3h de film durant.
Bien que le jeu y soit de qualité, ce film, marqué par son époque, ne marquera sans doute pas son temps.