dimanche 29 juin 2014

Jersey boys

Titre

Jersey boys

Scénaristes

Rick Elice, Marshall Brickman.

Commentaire

Une oeuvre sobre en effets, comme souvent chez Clint Eastwood, et qui oscille entre une mise en scène classique de cinéma et quelques bribes de music hall. Une émotion pesée mais qui aurait pu moins se contenir si l'articulation entre les séquences avaient révélé plus de liant.

1) Points forts
Nul besoin de trop en dire pour comprendre l'intégrité de Frankie Valli (John Lloyd Young) qui insiste pour souder le groupe, honorer ses engagements et jouer le rôle d'un père dans les moments utiles avec dignité et efficacité. Tout est non dit, comme sait si bien le mettre en scène Mr Eastwood.
Les noeuds dramatiques sont bien soulignés mais pas trop commentés. Ainsi, c'est pour sortir de la misère que Frankie décide de suivre un groupe de brigands. Puis c'est pour ne pas finir en prison qu'il décide de chanter du mieux possible en travaillant beaucoup. C'est pour nourrir sa famille que Frankie choisit de s'investir dans de nombreuses tournées. C'est pour remercier celui qui l'a sorti de la rue qu'il décide d'éponger les dettes incroyables de ses amis. C'est pour la beauté de l'instant qu'il décide enfin de pardonner à ses anciens ennemis. Et le tout, toujours d'un regard intègre et sobre, sans en faire des caisses.
Les apartés des protagonistes qui deviennent tour à tour narrateurs de leur propre vie offre une lecture proche du music hall qui innove, à l'écran, sans pour autant redire ce qui est joué par ailleurs ni plomber le récit (à l'inverse de ce qui avait été fait par Guillaumme Galliene dans son piètre film Guillaume et les garçons à table). Exercice très délicat où l'on aurait pu tomber dans la redite stérile ou bien dans une narration omnisciente placée uniquement pour compenser un manque de mise en scène et de structure. Mais l'équilibre a été trouvé puisque chaque sujet n'intervient pour ainsi dire qu'une fois, juste le temps de nous impliquer dans la vision subjective de chaque chanteur, ce qui renforce mécaniquement l'angle "chorale" de l'histoire.
Le générique de fin, également, sans trop le révéler, reprend les codes de la comédie musicale qui a inspiré le film. Une ponctuation pas très utile d'un point de vue dramaturgique mais qui participe à la magie musicale et qui se substitue surtout à un long et interminable générique. C'est par conséquent une forme de générique en somme. C'est donc une approche au moins aussi nécessaire que le générique lui-même si ce n'est qu'il est ici adapté à la ligne graphique du récit.

2) Points faibles
Le turning point le plus important a été trop estompé et contribue à un léger flottement du récit dans la dernière demie heure. C'est en effet lorsque Frankie est au bout du rouleau, divorcé, séparé de sa nouvelle compagne, endetté, dans un groupe déchiré, qu'il apprend, de surcroît, le suicide de sa fille aînée adorée. Et alors qu'il rebondit sur cet événement pour lancer un des plus grands tubes mélancoliques de l'histoire de la pop (Can't take my eyes off you), rien ne nous dit que c'est justement à cause de l'attachement qu'il avait, envers sa fille disparue, qu'il a pu dégager une telle émotivité qui a bouleversé le monde et relancé sa carrière.

3) Le même scénario, réécrit
Pour apporter légèrement plus de force et de rythme à la ligne dramatique, il aurait suffit à Frankie de révéler intimement, en ne désavouant pas, par exemple (pour rester dans une ligne sobre à la Eastwood), que c'est par amour pour sa fille perdue qu'il influa sur la musicalité de ce tube que son auteur acolyte avait alors écrit pour eux. Les effets d'aparté des chanteurs omniscients n'auraient pas été aussi utiles. Mais, mis à part cette latence qui donne un sentiment de quelques minutes de longueur, ce film reste parfaitement équilibré et stylé. Un bon biopic qui ne mange pas de pain, mais qu'on oubliera vite. Idéal pour se détendre.

Arzhur Caouissin