mardi 31 décembre 2013

Casse-tête chinois

Titre

Casse-tête chinois

Scénaristes

Cédric Klapisch

Commentaire

Suite d'une comédie chorale, rythmée et dans l'air du temps, mais aux enjeux un peu lisses et sans grande surprise. Un moment agréable mais avec un léger goût de déjà vu, faute à un enjeu un peu faible.

1) Points forts
La capacité de Klapisch à élaborer un récit à partir d'une structure d'apparence éclatée confère à ce nouvel opus une approche originale et une fraîcheur appréciable dans un cinéma pour lequel on reproche souvent de reproduire des schémas édulcorés. Une prise de risque relative, à féliciter. Dans ce troisième volet des aventures de nos ex étudiants en Erasmus, tous se retrouvent à New York pour se réaliser, envers et contre les blocages induits par les formalités géopolitiques et quelques conflits sociaux.
On appréciera l'évolution des personnages qui obéissent à des problématiques d'adultes, enfin : l'adoption, le divorce, le mariage blanc...


2) Points faibles
Cette nouvelle tentative de nous relater l'histoire sans fil conducteur de jeunes âmes égarées reprend un schéma que nous commençons à bien connaître et rend l'ensemble souvent trop prévisible. Ainsi, lorsque Xavier (Romain Duris) choisit de céder aux tentations de chacune de ses amies, en subissant à chaque fois la pression extérieure et sans jamais vouloir contrarier, nous ne sommes plus surpris. Le personnage semble avoir très peu évolué. Que ce soit l'attention renouvelée de son ex, Martine (Audrey Tautoux), les demandes invraisemblables de sa confidente, Isabelle (Cécile de France), nous recevons le récit avec sourire mais sans grande empathie. Le thème très actuel de l'adoption par des parents homosexuels ou le retour d'une ex dans un couple recomposé ne suffisent pas à préserver une intrigue. Ces effets sensés titiller nos bonnes vieilles moeurs judéo-chrétiennes, n'ont pas de prise. Et pour cause, l'enjeu que des pratiques libres révèlent n'est pas affirmé. Il n'y a pas vraiment d'opposition et donc peu de conflit. Seuls l'attachement que nous avons pour nos personnages favoris retient un peu notre attention.

3) Le même scénario, réécrit
Au lieu de nous plaquer des faits divers et des moeurs sociétales les uns à la suite des autres, il aurait été souhaitable que ces faits représentent un véritable enjeux existentiel pour nos héros. Ainsi, l'adoption d'un enfant par Isabelle, pour Xavier, aurait dû paraître impossible pour une raison qui lui est propre, parce que, par exemple, lui-même ne supporte pas de ne pas avoir assez connu son père. Chaque sujet de société, dans ce groupe très ouvert de gens de bonne famille, ne trouve ainsi pas suffisamment de contradiction. Il manque peut-être un rôle de bon vieux con contradicteur pour pimenter tout cela, malgré le plaisir que l'on peu dégager de retrouver ces personnages aimables et aimants, quels qu'ils soient. Pour un prochain épisode sans doute...

samedi 30 novembre 2013

Les garçons et guillaume, à table !

Titre

Les garçons et Guillaume, à table !

Scénaristes

Guillaume Gallienne.

Commentaire

Une comédie de bons portraits, mais sans structure et tellement commentée. Bouh !

1) Points forts
La caractérisation des personnages est fournie. On sent la présence du comédien dans l'écriture.
On apprécie aussi quelques mises en scène imagées où, par exemple, Guillaume se laisse exagérément mourir d'une noyade en public car l'homme qu'il pensait aimer en pince pour une autre.
On notera enfin la clarté du rapport psy de l'histoire où la révélation de chaque personnage trouve écho dans une fin heureuse à la sauce freudienne.


2) Points faibles
Le scénario est littéralement plombé par l'intrusion répétée de Guillaume, lui-même, qui raconte ce qu'il faut voir et comprendre, en off, sur scène, devant son psy, alors que l'enjeu de se découvrir soi aurait été suffisant dans une narration nourrie exclusivement par l'action.
Mais dès les premières scènes, on devine que notre personnage n'a pas d'objectif et vit dans un univers qui n'en a pas non plus. Du coup, à part subir les relations conflictuelles les unes à la suite des autres, intéressantes au demeurant, mais non organiques, on sent le temps passer même si l'on sourit un peu.


3) Le même scénario, réécrit
Au lieu de rattraper la trame du récit à l'aide de commentaires qui tentent de captiver l'attention pour palier à un défaut d'action, il aurait fallu donner à chaque personnage un véritable but et laisser la mise en scène illustrer, sans les commenter, les conflits et l'émotion. Les rustines de ce film nous empêchent d'atteindre l'oeuvre profonde que l'on aurait apprécier rencontrer sur ce sujet de l'homosexualité, qui, pour une fois dans une comédie française, promettait de ne pas être traité avec lourdeur mais d'une agréable drôlerie. C'est parie remise.

lundi 11 novembre 2013

Gravity

Titre

Gravity

Scénaristes

Alfonso Cuaron, Jonas Cuaron.

Commentaire

Un sujet qui justifie, enfin, l'emploi de la 3D.

1) Points forts
Le thème de la gravitation tapisse le récit du titre à la moindre émotion et naturellement, à chaque image.
On voulait un film qui justifie l'usage de la 3D, c'est fait. Gravity illustre de manière efficace l'ampleur du vide spatial en jouant du rapport d'échelle, d'ombre et de lumière, et de la profondeur de champ. La spatialité apportée par la 3D saura réconcilier les traditionnalistes avec le cinéma en relief.
Mais, plus profond que cela. La gravité résonne aussi dans les scènes d'émotion. Puisque le personnage principal, ici incarné par Sandra Bullock, se voit tirraillé entre le désir d'abandonner et de tenir bon, alors happé par le vide et sans moyen de regagner la base qui le relie à la Terre. Cette oscillation entre fatalisme et espérance agit en somme comme la gravité, entre rien et tout, de manière élastique et parfois incontrôlable. Le récit trouve donc un écho brillant autant dans le fond que dans sa forme.
Nous apprécierons aussi les clins d'oeil à Stanley Kubrick (2001 Space Odyssey) et notamment ce subliment turning point, où Sandra Bullock apparaît épuisée, en position foetale en contre jour d'une lumière céleste, alors qu'elle vient de vivre un traumatisme. Puis, cette renaissance freudienne qui ne l'a pas tuée et la rend plus forte, où elle décide de s'éveiller pour devenir l'héroïne, révélée, qu'elle n'osa jamais être et qui ne subira désormais plus les choses, comme auparavant. Seule, au pied du mur, elle choisit de s'imposer.

2) Points faibles
On regrettera la lourdeur induite par les effets sonores, qui pour le coup rompent avec cette gravité et cette solennité pourtant propices. L'espace est normalement muet, doit-on le rappeler ?
Une grande efficacité dramatique génialement réduite à une comédienne et, malgré tout, de nombreux silences. Mais ceci grâce à un artifice un peu pesant : la sempiternelle course contre la montre. Un obstacle entraîne un autre obstacle et à chaque fois le risque de mourir est reconduit, par un manque d'air, ou des débrits volants, une console en caractères chinois indéchiffrable. On aurait aimé un peu plus d'enjeu humain dans ce dispositif.

3) Le même scénario, réécrit
Il suffirait de retirer la moitié des effets sonores pour rendre le récit plus juste, plus pur et plus éblouissant. Hélas, Hollywood ne sait pas faire sobre. Il fallait impacter. Dommage.
De même, le Dr Rayan Stone (S Bullock) n'a pour enjeu que de revenir sur Terre pour raconter son histoire et accepter son passé. Il lui manque sans doute celui de rapporter un message de son compagnon abandonné dans le vide (G Clooney) pour motiver réellement son retour (la mission), alors même que l'on nous apprend qu'elle pourrait se contenter de mourir ici, car elle nous montre au fond qu'elle est déjà réalisée. Erreur. Le héros ne doit se réaliser qu'à la fin du récit. D'où un sentiment d’essoufflement qui peut apparaître en fin de parcours, plus physique que moral. Heureusement, le film est court et le subterfuge comble l'absence d'action plus organique.
Le récit apporte cela dit un bon traitement global de par le rapport établi entre sa mise en scène et les techniques graphiques déployées. On apprécie.

dimanche 20 octobre 2013

L'extraordinaire ...T.S. Spivet

Titre

L'extraordinaire voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Scénaristes

Jean-Pierre Jeunet, Guillaume Laurent, d'après l'oeuvre de Reif Larsen.

Commentaire

Un film pour enfants dont on apprécie la sobre facture, malgré les effets typiques des films de JP Jeunet et l'absence des scènes dures.

1) Points forts
Les personnages sont bien situés. Le père, cowboy réactionnaire. La mère, collectionneuse rêveuse. La soeur, frustrée de n'être pas une star et le frère, plus physique que cérébral. Le terrain est libre pour aider le petit Spivet à se révéler en génie incompris. Les conflits et les obstacles qui tapissent son cheminement se révèlent de ces oppositions omniprésentes.
Le réalisateur ne tombe pas dans la facilité de la 3D gadget comme ce fut le cas par exemple avec le Hugo Cabret de Scorsese. Les animations 3D ne servent qu'à placer l'imaginaire du héros  Une belle trouvaille !


2) Points faibles
On regrettera le côté un peu édulcoré du découpage où, par exemple, la scène de la mort du frère, sensée fonder toute la dramaturgie, a semblé être un tabou pour quelques diffuseurs et n'a simplement pas été visible dans son intégrité. Cela nous empêche, du coup, de comprendre combien le petit génie ne veut pas subir le même sort que son frère, et pourquoi il doit plus que tout autre chose réussir à se tirer de cette impasse sociale. Sa vie n'est ici pas assez mise en danger. L'enjeu n'est pas assez nourri. Un sentiment d'attente en ressort dans la progression du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Pour gagner en efficacité et, indirectement, élargir le public, il aurait fallu mettre en scène la mort du jumeau sans tomber dans une vue trop crue. JP Jeunet qui nous a habitué à ne pas coller de violons sur les scènes d'émotion aurait certainement su trouver le moyen de montrer la mort avec sobriété, mais la montrer quand même ! La suggestion qui a été faite demeure bien trop faible pour engager le spectateur. Il aurait également été utile que Spivet Junior nous indique que rester dans sa campagne natale lui aurait coûté la vie, et pourquoi. Le simple fait de rebondir sur cette mort terrible, si elle avait été montrée, et sur la menace permanente de son père, aurait pu suffire à renforcer l'attrait général du récit. Un moment agréable cela dit, aux effets 3D enfin mesurés.

9 mois ferme

Titre

9 mois ferme

Scénaristes

Albert Dupontel

Commentaire

Le film déjanté le mieux structuré et rythmé des films d'Albert Dupontel. Un humour décalé dans une période trop sérieuse qui fait du bien par où ça passe.

1) Points forts
La caractérisation des personnages est radicale et efficace. Une femme juge (Sandrine Kiberlain), coincée, sévère, acharnée, doit avouer une relation improbable avec un voyou infréquentable (Albert Dupontel). Cette caractérisation est la clé de voute qui structure toute la ligne de conflits et rend dynamique cette comédie à la fois réaliste et burlesque.
Le réalisateur n'a également pas hésité à rogner les scènes inutiles et cela s'avère véritablement payant. On ne s'ennuie pas une seconde dans cette oeuvre de seulement 1h22.


2) Points faibles
Quelques effets comiques un peu lourds persistent toutefois mais n'affectent pas le mécanisme général, dont la trame bien ficelée permet ces digressions. Par exemple, on apprécie l'insert de Flashs d'informations incluant des gags multiples (version antiope, faits divers invraisemblables). Mais la répétition multiple de ces flashs n'apporte rien à la progression du récit ni au comique.
De même, l'avocat de la victime possède un défaut d'élocution tellement invraisemblable que cela perturbe presque l'attention du spectateur et la logique narrative.

3) Le même scénario, réécrit
Mis à part quelques gags qui forcent un peu le trait, la comédie fonctionne très bien et ne requiert pas de réécriture. Un bon cru, ce Dupontel.

dimanche 22 septembre 2013

Le majordome

Titre

Le majordome

Scénaristes

Lee Daniels (Precious), Will Haygood, Danny Strong (Grey's anatomy).

Commentaire

Une film historique sur l'apartheid, d'une grande sensibilité, passé presque inaperçu dans cette période de grands troubles économiques à mille lieues de ces préoccupations-là.

1) Points forts
Le scénario ne succombe pas à la facile surenchère de violence et d'injustice. Il tire sa force de l'intégrité des personnages dont il relate la petite histoire dans la grande Histoire.
Le personnage principal du majordome Cecil Gaines (Forest Whitaker) affirme sa ligne de conduite en conservant, à toute épreuve depuis sa plus jeune enfance, calme et courtoisie envers l'élite blanche qui terrorise les gens de couleurs dont il fait partie. Son caractère se construit par les épreuves contre lesquelles il décide de ne jamais agir. Sans ces épreuves, le récit serait tombé à plat.
Les personnages secondaires vivent chacun différemment l'horreur. Ils aident à caractériser le héro en montrant comment ce dernier aurait pu agir s'il n'était pas resté humble et patient.

2) Points faibles
Le récit ne traite que l'apartheid et se termine sur une happy end, comme si le problème était définitvement résolu et comme si les gens de couleurs n'avaient pas non plus d'autres soucis que seulement l'apartheid, ce qui est déjà considérable. De ce fait, il peut jaillir une sorte d'ambiance flottante peu en phase avec la réalité du monde, et de son actualité, plus attachée à résoudre des enjeux géopolitiques occident/orient, écologiques et économiques. Si à cela on considère que l'élection du président Obama n'a rien de définitif dans le racisme anti-noir, le récit, dans sa globalité angélique, manque un peu de réalisme. Ce qui indirectement dessert son propos.

3) Le même scénario, réécrit
Pour ancrer davantage ce scénario très sensible au demeurant, dans la réalité contemporaine, et donc, toucher un public encore plus large, il aurait fallu intégrer ça et là, un enjeu ethnique aux conséquences également économiques, écologiques et géopolitiques, plus universels. Ils sont déjà abordés par les décisions arbitraires des différents présidents des USA qui se succèdent, auprès du majordome. On pense, par exemple, à la manière dont Nixon ou Reagan agissent devant le Majordome au mépris du peuple noir. Mais la résonance de ces actions avec le monde actuel ne tient pas. Pour cela, on aurait aimé voir la manière dont les noirs sont souvent également exclus de la grande finance, comment ils subissent les ravages écologiques, et en quoi l'élection de Obama n'a été que de la poudre aux yeux, face à un racisme persistant et un gouvernement composé des mêmes élites que l'équipe qu'il succéda. Le sentiment d'injustice aurait perduré malgré la réalisation du personnage principal ému de voir cependant un premier noir élu président des USA. L'émotion en serait sortie davantage grandie et surtout plus universelle.

samedi 13 juillet 2013

Mafia blues (Analyse this)

Titre

Mafia blues (Analyse this)

Scénaristes

Peter Tolan, Kenneth Lonergan, Harold Ramis.

Commentaire

Un scénario très bien structuré, mais qui a oublié son registre.

1) Points forts
Tout y est, les placements, les enjeux, les objectifs.
Lorsque le personnage du psy (Billy Cristal) doit choisir de continuer à aider un dangereux mafieux dépressif (De Niro) (objectif), il apprend en même temps que s'il n'aide pas à le capturer, le FBI lui fera la peau (enjeu). Plus en profondeur, l'histoire personnelle du psy l'amène à vouloir se réaliser face à son père dominateur en aidant le mafieux malgré lui (placement). Le mafieux, qui récuse toute forme de sensiblerie, refuse de prêter l'oreille au psy mais s'y acharne car il ne sait comment résoudre ses conflits internes (obstacles). Et tout cela interférant avec la vie privée de chaque personnage secondaire (mariages, représentations, vengeances). Un vrai boulevard !

2) Points faibles
Le rythme ! Le registre est burlesque mais pas le rythme et c'est une erreur. On s'attend à de multiples rebondissements à chaque révélation. Ils arrivent, mais les auteurs ont choisi de renforcer le côté solennel de certaines situations au lieu de multiplier les incidents. Cela aide à construire l’empathie, mais était-ce le lieu pour développer ce procédé ? Le burlesque exige des rapports plus conflictuels et plus de caricatures. De Niro n'hésite d'ailleurs pas à se caricaturer lui-même mais cela ne suffit pas à créer le rythme.

3) Le même scénario, réécrit
L'histoire gagnerait à rapprocher les rebondissements en ajoutant quelques scènes plus visuelles et physiques à la place des confidences lentes et trop mécaniques. Par exemple, au lieu de laisser chacun énoncer ses difficultés personnelles, nous aurions apprécié bien plus les voir en situation autour d'une table de restaurant à côté de ce qui les répugne, et agir en conséquence, entrainant une avalanche de gags, à la manière de Mrs Doubtfire, par exemple. Mais le film reste agréable car néanmoins structuré. Il vieillira un peu plus vite, c'est tout.

dimanche 30 juin 2013

Pour une poignée de dollars

Titre

Pour une poignée de dollars

Scénaristes

Sergio Leone, A. Bonzzoni, Victor Andres Catena, Jaime Comas, Clint Eastwoo, Duccio Tessari, Fernando Di Leo, Andrés Catena.

Commentaire

Un récit où l'esthétique de l'époque des grands films à spectacle, en cinémascope et en couleur (1964) absorbe une partie de la trame dramaturgique, ce qui en fait une oeuvre assez lente, au demeurant intéressante pour les références qu'elle introduit dans le cinéma contemporain.

1) Points forts
L'objectif simple du héros (Clint Eastwood), qui traverse un village à la frontière du Mexique où deux communautés rivales s'entretuent : mexicains et américains. Il cherche uniquement à venger l'être cher qu'on lui a dérobée dans un passé lointain, puis s'en va.
Les dialogues limités placent clairement les enjeux et les objectifs. Eastwood annonce, à chaque point charnière de la progression du récit, à chaque fois qu'il vient de relever une épreuve, qu'il va soit rester ou partir, et les raisons qui motivent son action. Ou lorsqu'il ne le précise pas, nous le savons déjà par les révélations passées.
On appréciera la mise en scène d'une question existentielle pour Sergio Leone : mon cinéma est-il italien ou américain ? Ici incarné dans le clivage que Eastwood entretient en opposant les deux communautés, mexicaines et américaines, et en se plaçant toujours au centre du débat.
On ne manquera pas de relever les références sur lesquelles s'appuient les cinéastes contemporains, comme Tarantino ou Zemeckis. Tarantino reprend l'ambiance musicale, typographique et les lumières, là où Zemeckis emprunte carrément la fameuse scène du bouclier d'acier qui sauve la vie de notre héros, dans Back to the future 3.

2) Points faibles
L'esthétique qui impose une belle image, et une musique d'Ennio Morricone, rendent certaines scènes parfaitement inutiles ou longues. Ce qui nuit bien sûr à la fluidité de la mécanique générale.
Certaines répliques, isolées d'un contexte explicite lui-même entretenu par des plans trop longs, en deviennent confuses.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit gagnerait à réduire la durée des scènes qui n'apportent pas de progression à la ligne dramatique et à supprimer quelques dialogues superflus et conflits de personnages secondaires servant à peine à les caractériser. Au lieu d'1h39, ce film pourrait ainsi nettement être ramené à 1h15. Il reste cela dit le film révélation de Clint Eastwood, d'un grand réalisateur, et d'un genre de western d'une nouvelle génération.

Arzhur Caouissin

mercredi 26 juin 2013

The bling ring

Titre

The bling ring

Scénaristes

Sophia Coppola, Nancy Jo Sales

Commentaire

Une photographie très contemporaine d'une jeunesse matérialiste débridée.

1) Points forts
La qualité des dialogues et des échanges entre les personnages introduit bien le matérialisme ambiant. Ainsi, lorsqu'un agent de la police demande à l'une des membres du gang de petites voleuses si l'incarcération est dure à vivre, celle-ci répond que oui, car la plupart des filles ont dû défaire leurs extensions capillaires.
Les références aux réseaux sociaux et aux usages d'objets connectés est permanent et reflète bien notre époque où la relation virtuelle et fantasmée prend le pas sur le réel sensible. Des pages physiques sur les réseaux sociaux nourrissent le film et peuvent être consultées indépendemment du film pour étendre l'expérience plurimédia du projet. Les scénaristes n'ont cela dit pas omis de bien nourrir aussi les personnages en leur attribuant quelques faiblesses bien réelles. Marc, par exemple, suit volontiers le groupe de jolies filles voleuses parce qu'il est en manque de reconnaissance. Nicki est, elle, très attachée à l'image d'intégrité et de perfection qu'elle renvoie. Une autre des filles veut posséder et se faire valoir pour plaire à un mafieux local.
On appréciera également le rapprochement avec l'autre film de Sophia Coppola, Marie-Antoinette, dans lequel l'héroïne est, de même, très superficielle et, comme Marie-Antoinette, nous fait découvrir les codes de son époque.

2) Points faibles
L'histoire inspirée de faits réels offre une mécanique simple et un peu répétitive. De cambriolage en cambriolage, sans autre enjeu que celui de posséder des biens de marque, l'objectif mince limite l'intérêt du récit. Les relations entre les individus manquent un peu de profondeur. Etait-ce pour révéler le côté superficiel de ce groupe de jeunes ? Probablement. Mais cela affecte également la structure organique du récit.
Le fait par ailleurs que des voleuses agissent sans prendre garde aux caméras, et aux yeux de tous, paraît irréaliste. Cela était sans doute choisi pour renforcer une fois de plus l'aspect superficiel des voleuses, mais altère à nouveau la logique dramatique. Comme Marie-Antoinette donc, le film pâtie un peu d'un manque d'enjeu et d'objectif, quoi qu'il demeure plus efficace que celui-ci. Le recul de l'auteur, sans doute.
On regrettera enfin l'absence de valeur plus universelle. Quelle est en effet la morale du film ? On se doute qu'il s'agit d'une critique de l'époque contemporaine, mais ce second niveau de lecture qui rendrait l'oeuvre universelle manque de clarté. La question de fonds traite pourtant d'une quête de liberté que recherche ce groupe de jeunes en faisant fi des lois et en s'appropriant, par procuration, la réussite des autres.
Les objectifs individuels sont seulement suggérés. Il faut vraiment y prêter attention pour les déceler. Ce qui renforce l'impression de flottement général.

3) Le même scénario, réécrit
Pour renforcer la mécanique dramaturgique, il aurait fallu compenser l'absence d'humanité des voleuses par un enjeu plus fort. Un enjeu individuel plus affirmé et une vraie problématique pour chaque personnage, ainsi qu'un enjeu collectif et universel. L'enjeu collectif aurait dû affirmer plus nettement la soif de liberté commun à chacun des ados en proie aux cambriolages. Hélas, le film ne tient que grâce au suspens de l'arrestation, et pas par l'addition organique et chorale des différents enjeux. Il reste cela dit un des films les mieux rythmés de Sophia Coppola.

Arzhur Caouissin

lundi 10 juin 2013

| Blake Snyder : Leçon de dramaturgie |

Eteint en 2009 à 52 ans, Blake Snyder était l'un des plus influents script doctor de Hollywood. Bien que chaque oeuvre relève un caractère spécifique, il y a des règles qui en font un récit universel. Voici un brillant résumé de sa trilogie livresque intitulée "Save the cat".

Leçon de scénario, selon l'oeuvre de Blake Snyder, sur Back to the futur. Dans cette démonstration, l'auteur reprend les 15 points structurels fondamentaux de toute oeuvre audiovisuelle commerciale qui se respecte, et qui n'indispose pas la créativité et l'inventivité. C'est simplement ainsi que l'on raconte des histoires depuis la plus haute antiquité.

samedi 25 mai 2013

Barry Lyndon

Titre

Barry Lyndon

Scénaristes

Stanley Kubrick, William Makepeace Thackeray.

Commentaire

Une oeuvre magistrale, de forme à plusieurs niveaux de lecture, innovante, et qui reste encore captivante malgré le temps qui s'y arrête, plus de 4 décennies après sa sortie.

1) Points forts
La structure narrative repose sur deux parties longues et un épilogue court. Chaque scène du récit reprend à nouveau cette structure organique appuyée toujours par trois mêmes symphonies mythiques, comme le sont aussi l'aube, l'aulne et l'épilogue de la vie sans doute.
Ainsi, Barry est un jeune homme amoureux et humilié à maintes reprises par ses proches. Il décide de fuir pour se réaliser. Mais d'échec en échec, il apprend sur la vie que le mieux est sans doute de lâcher prise plutôt que d'écraser les autres. Même si on s'impatiente dans le premier quart d'heure, car on ne saisit pas encore l'objectif du héros, on apprécie rapidement l'originalité de la mise en forme, augmentée d'une image nouvelle pour l'époque (focales grandes, zooms, lumières naturelles) des couleurs harmonieuses en clair-obscure et pastels, et des costumes.
La musique aide à contempler les scènes de vie et de questionnement avec une prégnance et une densité sublimées, presque irréelle mais enivrante, comme l'est aussi l'obstination que s'inflige le héros en persistant à fuir à chacun de ses tourments. Nous le suivons fatalement dans ses diversions.

2) Points faibles
Il est vrai que sans la musique, le film pourrait paraitre long pour qui n'a pas le regard aiguisé pour apprécier les détails de lumière qui composent l'image. Cette musique a fort heureusement un rôle narratif qui renforce l'idée de répétition des scènes et des échecs, avant l'accomplissement par le lâcher prise. Ces scènes de questionnement intérieur et de non-dits pouvaient être plus courtes. Mais la nouveauté technique que ce film apportait à l'époque a cru bon de laisser le spectateur jubiler de ce qu'il découvrait enfin (éclairage à la bougie, zooms du télé objectif au grand angle). Cette musique, par conséquent, n'est pas gratuite, elle accompagne l'émerveillement et l'investissement que le réalisateur a livré dans la construction des scènes, nuance.
On peut s'interroger toutefois sur le traitement de la séquence finale. Sans la dévoiler, l'impression est donnée, involontairement, que la vie se répète et que rien n'a finalement évolué. Mais c'est sans compter sur l'acte décisif que vient alors d'accomplir Barry. Seulement, ce n'est pas le plan final, d'où cette sensation de non réalisation.

3) Le même scénario, réécrit
Il n'y a rien à réécrire tant la structure est réglée et sophistiquée à souhait. Quelques scènes pourraient faire l'économie de silence ou de musiques, mais on s'en accommode encore très bien. Le dernier plan du film aurait cela dit pu être celui ou Barry décide de changer sa façon de faire au lieu d'une scène contemplative sur des personnages secondaires, même si leurs actions sont efficientes, mais ils ne sont pas les personnages principaux. Un très grand film, à voir et à revoir.

Arzhur Caouissin.

lundi 20 mai 2013

Hannah Arrendt

Titre

Hannah Arendt

Scénaristes

Pamela Katz, Margarethe Von Gotta.

Commentaire

Un biopic de la philosophe allemande et juive Hannah Arrendt, qui osa interpeler les responsables du peuple juif en les impliquant dans la Shoah. Il aura fallu plus de 60 ans pour que le cinéma ose traiter la question. Un film par conséquent audacieux sur son propos, même si sa mise en scène peut paraître lisse pour la promesse annoncée. L'affiche elle-même en témoigne.

1) Points forts
L'audace de traiter un sujet très sensible (remettre en question la victimisation d'un peuple meurtri) offre déjà un sujet très polémique, en soi, et dramatique au sens narratif du terme.
Le traitement sobre du personnage principal met à ce titre très bien en avant les agitations d'un peuple sur la défensive. Plus la philosophe demeure sereine, plus les opposants s'agitent. Ainsi, il suffit à l'héroïne de suggérer une pensée pour qu'aussitôt une cascade de réactions en chaîne enclenche le reste de l'histoire et du conflit qui l'oppose à une audience encore sous le coup de l'émotion de la tragédie.

2) Points faibles
L'action démarre seulement lorsque la philosophe lance son idée selon laquelle des responsables du peuple juif ont contribué, par leur inertie, à aggraver le nombre de victimes de la Shoah. Ce qui précède cette révélation très forte laisse de facto apparaître une absence d'enjeu et de but. On sent trop que l'auteur a ménagé ses effets pour laisser place à cette grande révélation, et c'est bien dommage. Ainsi, le film démarre véritablement au début du procès, soit bien après les nombreuses tergiversations inutiles qui amènent lentement la philosophe à venir suivre ce procès.

3) Le même scénario, réécrit
Pour que l'action soit plus efficace, il faudrait élaguer une scène sur deux et la moitié des plans restant de l'avant révélation. Tout le reste, ce qui suit la révélation, est rythmé par le procès, alterné dans une forme on ne peut plus classique, par des extraits de vie et d'actualité, et cela fonctionne naturellement plutôt bien. Un film que l'on aurait donc pu attendre un peu plus nerveux, compte tenu de l'ampleur de dramatique de son propos, qui apparaît au final, un peu tiède.

La piscine

Titre

La piscine

Scénaristes

Jean-Emmanuel Conil, Jean-Claude Carrière.

Commentaire

Une oeuvre d'abord psychologique qui fonctionne en intégrant beaucoup du fantasme et de l'attente du spectateur, comme liant narratif, à des scènes que nous jugerions aujourd'hui un peu trop diluées pour notre époque contemporaine, mais qui étaient nécessaires sans doute pour imposer une esthétique très sensuelle en 1968.

1) Points forts
Ce récit, et l'image qui en découle à l'écran, offrent une excellente photographie de la représentation bourgeoise de 1968. Ce qui en fait une oeuvre sociologique incontournable et marquée par une époque où tout couple matériellement épanoui chercherait, dans une liberté de moeurs, un petit plus pour flatter sa vie.
On appréciera surtout les non-dits au début du récit par lesquels un climat tendu se dessine. Seuls des regards et des expressions entre hommes et femmes envisagent l'impensable luxure qui rongerait un homme et la fille de son meilleur ami et celle de sa propre épouse avec ce même ami.

2) Points faibles
Le récit joue un peu trop sur l'attente du spectateur et l'effet beau couple que forment Alain Delon et Romy Schneider. La tension insufflée par leurs envies respectives d'adultère pouvait peut-être retenir son public à l'époque, encore moralement bridé par la "crinoline", mais ne fonctionnerait plus de nos jours. Le film repose un peu trop sur la crispation ou, au contraire, l'attente libertaire d'un public nouvellement émancipé.

3) Le même scénario, réécrit
L'oeuvre repose amplement sur les valeurs sociales de l'époque. En vieillissant, le scénario fonctionne par nature moins efficacement. Autre temps, autre moeurs ! Pour éviter ce fossé de génération, il aurait fallu raccourcir tout simplement les temps de latence et de digestion de l'action entre chaque scène, et moins focaliser la vue sur ce couple narcissique. Mais le fil dramatique du récit reste par ailleurs bien structuré malgré une déficience de caractérisation des personnages, puisque nous ne savons pour ainsi dire par grand chose sur eux. Les tensions humaines nées de relations potentiellement adultères voire incestueuses ne requièrent généralement en effet aucun placement, tant ces valeurs et ces limites sont de nature universelles. C'est aussi ce qui a fait toute la puissance de ce récit.

Arzhur Caouissin.

samedi 18 mai 2013

Gatsby, le magnifique

Titre

Catsby, le magnifique

Scénaristes

Craig Pearce, Baz Luhrmann, d'après l'oeuvre de F. ScottFitzgerald

Commentaire

Tous les artifices ne valent pas un bon scénario.

1) Points forts
Puisque nous parlons ici principalement du scénario, on peut dire qu'il y a très peu d'éléments valorisants sur ce point. Retenons peut-être la scène la plus emblématique située 30 minutes avant la fin de ce récit de 2h22, et qui démarre seulement véritablement l'action. Dans cette scène qui se tient dans un salon privé, la jeune et jolie Daisy (Carey Mulligan) est tiraillée entre deux hommes fous et puissants près à se démettre pour la belle alors effrayée, sous les yeux stupéfaits de son confident secrètement amoureux Nick (Tobey Maguire) dont elle saisit involontairement la main pour se rassurer. Le reste, ...c'est de l’esbroufe !

2) Points faibles
L'action, les enjeux, les objectifs, tout démarre effectivement près de 1h45 après le début du film ! C'est un vrai problème. Les scènes d'amorce sont occupées par des artifices les plus spectaculaires les uns que les autres lorsqu'ils ne sont pas simplement saoulant (mouvements de caméra perpétuels et injustifiés pour valoriser, on l'aura compris, une projection 3D pour le coup encore plus inutile en 2D). Si on apprécie en revanche la qualité des décors, des costumes, des accessoires et la fantaisie colorimétrique des paysages pour le coup très carte-postale colorisée, tout ceci ne parvient pas à compenser l'absence d'enjeux et d'objectifs répétés. C'est uniquement l'attente provoquée par le narrateur (Nick) qui nous pousse à suivre son histoire. Sans lui, et à moins que votre curiosité créative également ne vous retienne, nous serions déjà partis pour une autre salle depuis le premier quart d'heure.
Du fait que les objectifs ne sont pas définis, les actions et les dialogues en pâtissent cela va de soi. Ainsi, le comique de répétition d'expressions telles que "oui, grand frère" et "non, grand frère" à tout va, lancés par di Caprio pourtant bon comédien, peinent à sauver la mise en scène.

3) Le même scénario, réécrit
Qui est le personnage principal ? Qui vit le plus d'enjeu ? C'est le narrateur, le seul témoin de la tragédie dans laquelle son amoureuse se languit pour un puissant compromis. Mais alors, que gagnait-il à révéler, à vivre ou pas cette tragédie ? Il perdait son amour en acceptant le drame. Il y gagne son honneur et accepte ce passé traumatisant, face à son psy qui, plus tard, l'a amené à tout déballer. Il y a des objectifs et des enjeux pourtant réels, mais ceux-ci ne sont pas clairement énoncés ni valorisés.
Pour renforcer la qualité de la trame dramaturgique, il aurait donc fallu insister sur le besoin pour Nick de devoir accepter cette tragédie pour se réaliser. On aurait pu le voir d'abord refuser la vérité évidente pour les autres, et tiraillé par les manipulations et son propre mensonge, choisir finalement de laisser filer celle qu'il aime pour celui qu'elle a toujours aimé alors que celui-ci même l'aurait trahi. Et son auteur aurait eu le bon goût d'appeler cette oeuvre : Nick le magnifique.

Arzhur Caouissin.

jeudi 16 mai 2013

Le ruban blanc

Titre

Le ruban blanc

Scénaristes

Michael Hanneke

Commentaire

Un chef d'oeuvre qui brille par sa justesse et une audacieuse mise en scène. Rien à en dire ou presque.

1) Points forts
L'audace d'avoir osé traité le parallèle entre la raideur d'une éducation ancrée dans la religion qui rend les échanges on ne peut plus violents mais silencieux, et l'arrivée improbable d'une guerre mondiale. C'est à cette originalité et rigueur intransigeante de créativité que l'on reconnaît sans doute les très grands auteurs.
La qualité des dialogues et des silences peuvent rappeler, à ceux qui les ont connus, les désastres de la religion, un peu plus près de nous aussi, dans ma Bretagne natale.
La qualité de la mise en scène et des images répond à la subtilité des dialogues : une femme soumise va à ses affaires alors qu'en contre jour on peut deviner la silhouette dominatrice d'un mari oppressant. Elle s'esquive et répond en off, cachée, comme si elle ne pouvait même pas être vue pour simplement exister.

2) Points faibles
Il n'y a pas de faiblesse dans cette oeuvre, si ce n'est peut-être qu'il n'était pas utile de chercher si loin le poids de la religion. Je reprends encore l'influence lourde de l'église catholique en Bretagne jusque dans la seconde moitié du siècle dernier. Mais c'est vraiment pour chercher la petite bête et justifier cette section de mon analyse. Chacun parle au fonds de ce qu'il connaît le mieux. Hanneke traite par conséquent plus justement de ce village protestant de l'Allemagne de 1914 que de la Bretagne de la moitié du XXème siècle.

3) Le même scénario, réécrit
C'est parfait. Pour une fois, je suis en adéquation avec une palme d'or.

Arzhur Caouissin.

mercredi 8 mai 2013

Nous York

Titre

Nous York

Scénaristes

Isabelle Querrioux

Commentaire

Une comédie chorale bien filmée qui repose sur un bon pitch et quelques idées de mise en scène.

1) Points forts
L'idée de faire découvrir New York à travers une comédie française est intéressante, surtout lorsque les personnages du récit partent là-bas pour finalement se découvrir eux-mêmes.
L'émotion des scènes de rupture, de jalousie ou de réconciliation fait tenir le scénario.

2) Points faibles
C'est une comédie chorale compte tenu de la diversité des rôles et des actions autour d'un même espace-temps qu'est ce séjour surprise à New York à l'occasion de l'anniversaire d'une amie. Mais, les objectifs et enjeux de chaque personnage ne sont pas clairement définis avant la première heure du film. Du coup, on patauge et on se console en appréciant la beauté des images et les quelques conflits structurels qui viennent sauver, par hasard, la fin du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Chaque personnage aurait dû avoir placé les motivations qui l'amène à suivre cette aventure avant la première demie-heure. Et rapidement, nous aurions dû connaître ce qui les empêche d'aller plus loin dans la résolution de leurs conflits individuels. Et comme on est dans une comédie chorale, en plus, il doit y avoir, et il y a fort heureusement, aussi, un enjeu et un objectif de deuxième niveau qui fédère tout le monde.
Ainsi, Samia (Leïla Bekhti) aurait dû soulever plus souvent les raisons pour lesquelles elle venait vivre à New York, pour réussir et montrer plus efficacement son aveuglement en boudant ses amis illico dès que son hôte lui prête un peu attention. Le traitement effectué ici est trop faible. L'humeur ne change pas d'une pause à l'autre. On n'y croit pas. Gabrielle (Géraldine Nakache) qui s'occupe de personnes âgées par soucis d'humanité dévoile sans doute mieux l'enjeu, encore que les scènes ne lui permettent pas de révéler assez efficacement la situation. Son jeu la sauve. Les trois gars venus de France ainsi que les personnages secondaires, ne manifestent leurs objectifs que dans le dernier tiers du récit, c'est bien trop tard. On est passé hélas à côté d'un film générationnel.

Arzhur Caouissin.

dimanche 5 mai 2013

Inception

Titre

Inception

Scénaristes

Christopher Nolan.

Commentaire

Habitué des thrillers de science-fiction, Christopher Nolan n'épargne pas ici son public en écrivant ce récit d'action dans des rêves imbriqués où l'espace-temps se dilue à mesure que l'on avance dans les profondeurs du subconscient. Mais trop d'action tue l'action. Le film manque clairement de placement.

1) Points forts
L'idée de traiter les images du subconscient et la perception surréaliste de notre environnement est intéressante. Celle de considérer la relativité du temps par rapport à la profondeur du sommeil, également.

2) Points faibles
Ce film de 2h20 manque clairement de placements. Les objectifs et les enjeux sont régulièrement affirmés, mais l'action démarre dès la première scène, et les moments de rattrapage permettant de nous informer davantage sur le procédé, son origine, son enjeu, celui de chacun des protagonistes qui participe à cette expérience, n'existent pas ou trop peu. Ainsi, le film affiche une succession d'actions qui apparaissent excessives au regard des enjeux que nous connaissons, ne serait-ce que par des flashbacks obligés, ou des aveux ajoutés artificiellement.

3) Le même scénario, réécrit
Il manque bien 30mn de placements dans ce film pour permettre de mieux cerner les personnages et de mieux rentrer dans l'action. Mais on devine que la production a privilégié un film plus facile à placer en salle en lui sucrant quelques scènes capitales d'amorce, qu'elle jugeait sans nulle doute pas assez vivantes pour le public visé. C'était ignorer que c'est le placement qui rend ces scènes justement si spectaculaires.

Arzhur Caouissin.

mercredi 1 mai 2013

Super 8

Titre

Super 8.

Scénaristes

Jeffrey Jacob Abrams.

Commentaire

Dans ce récit de science-fiction générationnel produit par Steven Spielberg et sensiblement dirigé par JJ Abrams, un groupe d'ados découvre, à l'occasion d'un tournage amateur en Super 8, un effroyable secret caché par l'armée américaine. Mais ce film, bien que séduisant au premier abord, pêche par de gros artifices vraiment inutiles.

1) Points forts
La qualité des relations entre chaque protagoniste aide à caractériser les situations sans jamais tomber dans des traits grossiers, souvent caractéristiques des films pour ados. Ici, le gros ne fait pas que manger, c'est d'abord l'intello de la bande. De même, le personnage principal se trouve être le plus réservé du fait qu'il vient de perdre sa mère. Il est amoureux d'une voisine également très nuancée à cause d'un père alcoolique. Les pères respectifs de nos deux héros, que tout oppose, apportent également leur contribution à aiguiser les conflits.

2) Points faibles
L'idée de remettre au goût du jour le Super 8 était brillante mais n'est pas du tout exploitée organiquement, ni à l'image, ni dans le récit. C'est bien dommage. On est loin d'un film écrit par Gondri ! Le temps nécessaire au développement de la pellicule Super 8, utilisée cependant par les ados pour réaliser leur court métrage, renforce à peine l'attente et le suspens du dénouement.
Mais, plus gênant, c'est l'idée saugrenue de faire débarquer un extra-terrestre au beau milieu de la cargaison secrète de l'armée, qui vient littéralement plomber le récit. Gadget pour ados ? Le film n'avait pas besoin de cet artifice pour maintenir notre attention, déjà bien entretenue par les relations entre les caractères.

3) Le même scénario, réécrit
On pourrait remplacer le titre "Super 8" par "Mon premier court métrage". Ce serait plus juste mais moins vendeur je vous l'accorde. Le jeu et les intrigues secondaires sont de qualité. Mais, au lieu d'ajouter un extra-terrestre in extremis, pour impacter visuellement et finalement diluer notre attention, il aurait mieux valu renforcer cette action en restant sur une cargaison secrète de l'armée plus simple, qui ne vienne pas bousculer le récit dont la structure ne change aucunement du fait que c'est un extra-terrestre. L'enjeu de la réconciliation des différentes personnalités reste le même, avec ou sans extra-terrestre. On aurait ainsi pu choisir d'y faire figurer des munitions d'une nouvelle génération, un virus nouveau, ou autre chose d'un peu plus plausible qu'un monstre venu de nulle-part et dont nous n'en saurons pas davantage. Les puristes retiendront de ce film l'équipe solidaire que forment les jeunes comédiens, et la qualité de leurs échanges, davantage que les gadgets qui ponctuent le conflit.

Arzhur Caouissin.

lundi 29 avril 2013

Lola

Titre

Lola

Scénaristes

Jacques Demy.

Commentaire

Dans cette comédie musicale nantaise de 1961 qui a très bien vieillie, Cécile, alias Lola, se laisse embarquer dans une vie de danseuse à la cuisse légère jusqu'à ce qu'elle retrouve l'homme qu'elle avait tant aimé et qui lui a donné son enfant. Dans ce film, on découvre une oeuvre à la fois sensible, légère et bien écrite, dont pourraient bien s'inspirer nombre de nos auteurs contemporains.

1) Points forts
La profondeur du récit est renforcée par une caractérisation assez forte des personnages secondaires, bien que le jeu des comédiens demeure assez neutre. C'est dire. Ils sont si définis qu'on se demande même, à mi parcours, si le héros du film est bien Lola ou Roland, un ancien amant qui lui tourne autour. Ce dernier en effet nous est présenté comme un homme égaré depuis qu'il n'a plus revu celle-ci 15 années auparavant. Mais d'autres personnages secondaires, un peu moins nourris mais fort bien nuancés, parviennent heureusement à diluer la prégnance du rôle de cet amant, pour nous laisser comprendre que c'est Lola qui décidera finalement du sort tragique de son entourage.
A cela, les dialogues très polis, délicats et écrits, ajoutent à cette belle et légère tragédie, une élégante note de nostalgie et d'un monde rêvé, typique de son auteur Jacques Demy (Parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort).
Les quelques mélodies courtes qui surviennent enfin ne sont pas de trop. Elles ponctuent harmonieusement la mise en scène et rendent le drame un peu plus anodin, bien que la 7ème symphonie de Beethoven (entendue également dans Le discours d'un roi), amplifie le tragique dénouement des choses.

2) Points faibles
L'oeuvre n'a rien à envier à nos créations actuelles. Le seul petit reproche est sans doute d'avoir trop peu nourri l'enjeu, pour Lola, de devoir retrouver l'homme qu'elle a tant aimé. D'où certainement l'impression que nous avons de croire que c'est l'amant, mieux placé, qui conduit le fil de la narration.
Les premières scène du film également sont un peu trop écrites. Beaucoup de faits sont, dans les premières minutes, seulement racontés. L'action vécue par les comédiens est toujours préférable dans les scènes de placement. Mais elles ne durent pas, heureusement, et la véritable histoire chorale prend le dessus.

3) Le même scénario, réécrit
Jacques Demy aurait peut-être pu motiver un juste peu plus l'enjeu qui oblige Lola à retrouver le père de son enfant, elle qui était devenue si volage. Pour cela, nous aurions pu la voir lutter pour réussir à mieux éduquer cet enfant, et ne jamais être satisfaite des relations de ses nombreux amants. Mais le plaisir de découvrir ou redécouvrir ce film reste intégral, malgré ces quelques oublis scénaristiques, imperceptibles au demeurant.

Arzhur Caouissin.

dimanche 28 avril 2013

Rio

Titre

Rio

Scénaristes

Don Rhymer, Earl Richey Jones, Todd R. Jones, Joshua Sternin, Jeffrey Ventimilia, Sam Harper, Carlos Saldanha, Todd R. Jones, Earl Richey Jones.

Commentaire

Un bon divertissement qui fait découvrir les différentes facettes du Brézil et l'enjeu de la biodiversité avec un bémol. L'action repose hélas sur une suite de conflits imposée au personnage principal.

1) Points forts
Outre la qualité de l'animation, le récit nous fait découvrir de nombreux aspects de la société brésilienne (favela, forêt, argent, corruption, plaisirs, danse) à travers quelques images parfois un peu clichés mais qui nourrissent assez bien le fil principal de la narration. Le timing des actions est globalement bon. On ne s'ennuie pas.

2) Points faibles
L'enjeu et l'objectif sont hélas extérieurs au personnage principal qu'est Blu, un perroquet bleu en voie d'extinction. C'est une fondation qui en effet informe la propriétaire du perroquet de l'enjeu qu'est l'extinction de son espèce. Mais Rio, tellement domestiqué, rechigne à sortir de sa cage pour rencontrer la femelle sauvage qui aiderait à perpétuer son espèce. Ainsi, Blu subit l'action qui le pousse à l'aventure sans motivation intrinsèque. C'est seulement lorsqu'il arrive face au danger des favelas de Rio et de la jungle où il doit rencontrer sa promise qu'il commence à devenir acteur de sa propre histoire.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit étant globalement bien rythmé et les actions secondaires bien nourries, il ne reste pas grand chose pour en faire un des meilleurs films d'animation. Il suffirait que Blu soit mis au pied du mur dès le début du récit, face à l'enjeu de la disparition de son espèce, pour qu'il décide, de lui-même, de s'engager dans l'aventure envers et contre tous. Cela aurait pu se manifester par la nécessité de se montrer paternaliste pour séduire la seule femelle de son espèce qui reste et qui était prête à s'accoupler avec un abruti d'oiseau de foire plutôt que lui, trop casanier, par exemple. Nous aurions compris la nécessité pour Blu de s'engager dans la course et apprendre à voler et à vivre dans la nature, pour séduire la femelle et perpétuer son espèce.

Comme quoi, le nombre de scénaristes ne fait pas forcément la qualité d'une oeuvre. Bien qu'ici il ait largement contribué à nourrir la qualité des actions de second plan.

Arzhur Caouissin.

samedi 27 avril 2013

L'écume des jours

Titre

L'écume des jours

Scénaristes

Michel Gondri, Luc Bossi. D'après le roman de Boris Vian.

Commentaire

Une oeuvre qui sort totalement des sentiers battus puisqu'elle reprend le fil narratif intuitif inspiré de l'univers du Jazz qui a inspiré l'oeuvre originale de Boris Vian. Ce récit, écrit à la fin de la guerre 1945, apparaît inéluctablement sombre, mais on y trouve une grande poésie et une sensibilité manifeste. Michel Gondri, assez fidèle à l'oeuvre d'origine, propose ici une écriture inventive, qui ajoute encore plus de créativité au récit initial. Une trop grande servitude à l'oeuvre rend le projet cela dit, déjà marginal en soi et difficile d'accès, parfois un peu moins digeste et donne le sentiment qu'il traîne un peu sur la longueur malgré son effort d'ingéniosité.

1) Points forts
L'originalité de s'attaquer à une oeuvre dont la structure narrative n'entre pas dans les canons habituels de l'écriture est un défit en soi, rondement mené. Les personnages sont caractérisés. Un objectif de départ est bien annoncé. Cet objectif évolue et est répété régulièrement. Malgré l'apparence ondulante du récit, la structure est évidente et rassure le spectateur.
L'originalité de chaque mise en situation ajoute, à l'audace du choix de l'oeuvre, les placements nécessaires pour le spectateur à l'acception d'une histoire rocambolesque pour laquelle on est prévenu qu'il ne faudra pas chercher à s'attacher à un objectif conventionnel. On prend alors plus facilement le film comme il vient et on l'aime ainsi.
La qualité des situations est suffisante pour compenser l'absence de structure narrative classique. On est dans un rêve, et comme dans un rêve, tout part à vau-l'eau. Mais la poésie et l'humour nous maintiennent. Donc, tout va bien.
Nous ne manquerons pas de souligner, par exemple, les intrusions répétées du cuisinier en chef incarné par Alain Chabat, dans chaque meuble de la cuisine, pour servir son hôte Omar Si. Ce qui n'est pas sans rappeler non plus, tout en respectant l'oeuvre de Vian, l'influence que les émissions de réalité actuelles peuvent avoir aujourd'hui sur notre comportement domestique (Top chef, Master Chef, etc). Une oeuvre très actuelle donc.

2) Points faibles
L'adaptation ne fait pas de compromis sur l'oeuvre originale et ses descriptions, et en cela, devient plus difficile pour captiver l'attention sur toute sa longueur. Les détails créatifs de la mise en scène agissent comme des artifices qui réveillent l'attention, mais ne suffisent pas pour faire passer l'impression d'une action qui finit par traîner le pied.
Ainsi, beaucoup de scènes coulent au fil des événements sans recherche de logique, ce qui attrire au début mais finit par devenir mécanique sur la fin.

3) Le même scénario, réécrit
Difficile de se mesurer à un auteur et un metteur en scène de la trempe de Gondri. Les objectifs de chaque personnage sont pourtant bien présents et rappelés régulièrement. Par exemple, Colin (Romin Duris) annonce qu'il doit travailler et gagner de l'argent pour financer les traitements onéreux de son épouse condamnée à mourir. Mais l'action se concentre peut-être trop longuement sur les diversions surréalistes qui émanent de la maladie de Cholé (Audrey Tautoux), mourante. La noirceur de l'environnement, non motivé par quelque raison que ce soit, puisqu'elle n'est que le reflet d'une pensée ou d'une sorte de rêve conscient, plombe un peu l'atmosphère, un peu comme dans le livre cela dit. Pour maintenir l'attention de la trame narrative, il aurait été de bon goût de sacrifier quelques-uns de ces effets macabres de description pour renforcer la ligne d'action du récit. Mais l'objectif moral de l'oeuvre serait apparu insuffisant puisque sa vocation initiale n'était pas ancrée dans une forme classique. La vraie question qui se pose est plutôt de savoir si cette oeuvre est réellement adaptable sans en réécrire une partie pour la faire entrer dans les canons de l'industrie cinématographique. En l'état, le travail de Gondri reste fidèle. Ce n'est seulement qu'une oeuvre d'art. Mais n'est-ce déjà pas un vrai chalenge ? Et rien que pour ce spectacle, le film vaut bien le détour. Le public doit juste être averti.

Arzhur Caouissin.

dimanche 7 avril 2013

Whatever works

Titre

Whatever works

Scénaristes

Woody Allen

Commentaire

Une pure oeuvre freudienne dans laquelle chacun ne se réalise que s'il couche comme bon lui semble. Un pitch bavard hélas à la française qui oublie un peu trop souvent de mettre en scène au lieu de raconter. Une oeuvre qui n'en demeure pas moins parfaitement délectable et pleine d'humour.

1) Points forts
La diversité des conflits et la pluratité des solutions sexuelles adaptées à chaque personnage du récit ratisse large et permet à chacun d'y trouver son bonheur, par procuration pourrait-on dire. Un récit qui nous ramène aux fondamentaux de la psychanalyse et apporte, dans ce sens, un bon enseignement. Les répliques sont souvent délectables car elles révèlent des points clés du comportement humain. Une oeuvre psy, dans toute sa splendeur. Quelques apartés entre le personnage principal et le spectateur offrent une lecture très théâtrale qui réveille le spectateur et le tiennent sur l'objectif moral du récit.
On appréciera aussi l'auto critique du juif neworkais et l'humour de Woody Allen, lorsqu'il donne à son personnage principal, Boris Yallnikoff (Larry David), le rôle d'un génie pragmatique juif n'hésitant pas à révéler à voix haute les clichés cyniques qu'il observe y compris sur les religions et les croyances, du monde qui l'entoure.

2) Points faibles
Les scènes sont bien trop bavardes. C'est une des grandes caractéristiques des oeuvres de Woody Allen (cf Manhattan) et cela réserve ses films parfois à une élite qui supportera de se passer de la mise en scène ou l'appréciera dans un contexte fortement dilué.
L'oeuvre subit tellement la puissance et la multiplication des scènes dialoguées et de conflits verbaux que l'auteur a dû user d'artifices pour retenir l'attention du spectateur. Le personnage principal parle de temps à autres au public en énonçant sa vision morale du monde et, indirectement, en rappelant utilement l'objectif du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Pour gagner en efficacité, il aurait naturellement été préférable de trouver des mises en situation plus filmiques qu'orales. Par exemple, au lieu d'entendre chacun raconter ce qui le désole dans sa relation avec son conjoint, il suffisait de révéler ce conflit à travers une scène de placement qui obligerait chaque personnage à illustrer ledit conflit. Les artifices du sujet narrateur n'auraient pas été utiles, bien que toujours drôles. Pour rendre ces effets d'aparté nécessaires à la progression du récit, Woody Allen aurait pu renforcer le conflit que le dialogue avec le public, invisible pour les autres personnages du film, leur provoque. Il l'avait pourtant bien tenté sur une scène, où ses proches s'interrogent vers qui Boris peut-il bien parler, mais sans implication décisive dans la progression de l'histoire.

Arzhur Caouissin.

mardi 5 mars 2013

Flight

Titre

Flight

Scénaristes

John Gatins, Robert Zemeckis.

Commentaire

Une fable tirée d'une histoire vraie mettant en avant, à l'occasion d'un accident aérien, la puissance des facteurs humain et divin, face à la cruauté des protocoles et de la raison. La structure narrative ne révèle pourtant pas cette promesse sémantique.

1) Points forts
L’empathie créée autour de chacun des personnages (alcoolique, droguée, dealer), et malgré leurs travers, nous rattache à l'histoire. Le pilote est alcoolique parce que son ex et son fils l'ont quitté. La belle Kelly Reilly est une prostituée droguée parce qu'elle n'accepte pas la mort subite de sa mère depuis sa plus tendre enfance. Le dealer aime simplement profiter de l'instant présent.

Les détails techniques du pilotage de l'avion rendent l'action également vraisemblable, grâce à l'expérience du réalisateur Robert Zemeckis que nous savons ancien pilote lui-même. Le parallèle de ce récit incroyable avec ce qui aurait dû être fait si le pilote avait suivi le protocole et notamment le fait de nous rapporter que 9 pilotes experts ont testé le même vol dans un simulateur et aucun a évité le crash, renforcent l'exceptionnel dénouement de cette histoire. Le scénariste nous a épargné un drame choral comme c'est souvent le cas dans les films catastrophes. Ce n'est d'ailleurs pas un film catastrophe. C'est un drame avant tout social.

On appréciera également cette petite scène où une avocate défend son point de vue de la suprématie de la technique sur l'humain à l'aide d'une présentation affichée sur un écran lumineux, et ne peut plus le défendre à partir du moment où sa télécommande tombe en panne, comme tombait en panne l'avion situé au centre du récit et que seul un humain a pu sauvé. Elle a dû accepter de reprendre les choses manuellement pour poursuivre sa présentation.

2) Points faibles
Le récit traîne en longueur du fait que l'on reste trop longtemps sur les remords qui nourrissent les personnages. On passe trop furtivement à côté de l'enjeu qui est : le facteur humain ou divin vaut-il mieux que la raison ? Le film donne une impression de sortir de son objectif pour raconter la vie privée de ses protagonistes et justifier probablement la compassion du héros, avant de revenir, tardivement, sur le véritable enjeu.

L'histoire raconte combien le facteur humain est important, voire, le facteur divin. Mais la narration, le montage, le style, restent en tous points mécaniques. On regrette ainsi que l'oeuvre n'ait pas emprunté l'audace d'un Lars von Trier, par exemple, pour narrer en bouleversant les codes conventionnels de la fiction, par de l'humain justement, tout en provoquant l'émotion.

3) Le même scénario, réécrit
L'histoire aurait gagné en efficacité si l'auteur s'était concentré sur les seuls placements utiles qui nourrissent ses personnages par rapport à l'enjeu. Inutile en effet de raconter pourquoi un personnage secondaire se drogue et se prostitue si cela n'a pas plus d'effet sur la finalité du récit. Ce même enjeu aurait pu être renforcé en représentant physiquement les autres pilotes expérimentés se planter lors des simulations. Cela nous est hélas seulement rapporté. On passe est passé ici aussi à côté d'une belle action de dénouement. Une bonne mécanique aurait ainsi permit de s'affranchir davantage des codes visuels pour ancrer le récit sur une oeuvre plus humaine, plus surprenante, telle que nous pouvions l'attendre du fait du sujet traité.

Arzhur Caouissin.

vendredi 15 février 2013

Brazil


Titre

Brazil

Scénaristes

Charles McKeown, Tom Stoppard, Terry Gilliam.

Commentaire

Un ovni cinématographique qui confronte absurde, rêve et cauchemar dans une parodie d'un monde administré devenu une dictature, sombre et poussiéreuse, à l'opposé du fantasme brésilien. Dans ce récit, qui confronte donc la sensualité de la musique brésilienne et la froideur de l'autorité, Sam Lowry, fonctionnaire, subit une erreur de procédure qui l'amène à défier l'état totalitaire. Le spectateur, comme le personnage principal, tente de fuir une réalité imposée. Pour le héros, le piège se referme sur lui. Mais pour le spectateur aussi, le récit, cousu de deus ex-machina, se referme. Une oeuvre qui défie les règles de la dramaturgie mais qui reste heureusement soutenue par l'ironie et le génie inventif de la mise en scène.

1) Points forts
La mise en scène spectaculaire (qui précède à peine notre ère tout-à-fait numérique) est incroyable, à l'image d'un show des années 80 orchestré par Jean-Paul Goude, en plus grandiose. On y retrouve des décors carton-pâte démesurés, aux lignes et aux couleurs très pures et tranchantes, telles les décisions arbitraires de l'administration dont le récit fait brillamment l'objet. On retiendra aussi l'idée géniale de transposer la lourdeur et l'absurdité des connexions et des procédures administratives de la dictature dans les canalisations et les tuyauteries dont les connexions apparaissent également aussi invraisemblables tant elles débordent de toutes les cloisons et entrent jusque dans les endroits les plus intimes de la civilisation. Un travail important sur le décor a été effectué pour qu'il réponde au sujet du film. La scène finale de la torture tient même lieu dans une cheminée de centrale électrique, le comble du cauchemar sans doute pour l'idéaliste qu'incarnent notre héros et son auteur. On admirera aussi les influences croisées de ce récit qui s'est probablement inspiré des oeuvres de Welles (Le procès de Kafka) et du livre 1984 d'Orwell. Inversement, Brazil semble à son tour avoir inauguré d'autres mises en scène, comme : Minority report (les hommes de main qui sortent d'on ne sait où pour embarquer les hors-la-loi), Retour vers le futur (domotique au réveil du petit matin qui part en vrille et révèle la situation générale d'un système également défaillant), le spectacle d'ouverture des J.O de Londres (où les tours sortent de terre comme les taupes d'une taupinière).

2) Points faibles
La succession répétée de deus ex-machina sensée aider à développer le côté onirique et surréaliste de l'oeuvre fait parfois perdre le fil du récit au spectateur. C'est sans doute intentionnel, mais cela dessert l'oeuvre qui peut apparaître longue ou incontrôlée. L'objectif du héros n'en demeure en effet pas très clair. Il devient amoureux, mais il n'a pas d'enjeu à le devenir. Il est victime d'une erreur de procédure, mais il ne semble rien gagner à lutter contre celle-ci puisqu'on lui offre au contraire une promotion. Il a des visions, des rêves et des cauchemars qui se réalisent. Mais rien ne semble lui permettre de sortir d'une fuite invraisemblable contre ses visions et la dure réalité. C'est malheureusement souvent le problème chez Terry Guilliam. C'est un génie d'imagination et de fantaisie, mais il lui manque un cadre pour structurer son oeuvre qui alors s'étouffe de l’énergie-même qu'il y consacre sans mesure et avec démesure.

3) Le même scénario, réécrit
Le personnage principal gagnerait à affirmer ses objectifs plus fermement et les enjeux à le renforcer. On y serait plus captifs, mais on perdrait sur l'absurde des situations qui font de ce récit un projet cohérent. Il serait alors été plus judicieux de transposer les objectifs du héros dans la nécessité de résoudre ceux de ses opposants, afin, par exemple, qu'ils ne le tuent pas. Ainsi, l'absurdité des opposants aurait pu mener notre héros dans des directions absolument incontrôlables et comiques, sans bouder l'idée qu'il ne sait pas lui-même où il va tout en préservant l'intégrité d'une situation parfaitement irrationnelle.

Arzhur Caouissin.

lundi 11 février 2013

Django unchained

Titre

Django unchained.

Scénaristes

Quentin Tarantino.

Commentaire

Cette histoire d'un justicier esclave noir, à la veille de la guerre de sécession, fait sans nul doute apparaître le scénario le plus structuré de la filmographie de Tarantino. Un film à postures, comme on peut s'y attendre, mais qui plaira aux fans des mises en scènes hautes en couleurs, scènes qui auront au moins le mérite de rendre limpide la ligne dramatique de l'oeuvre.

1) Points forts
La qualité structurelle du scénario fait donc clairement apparaître les étapes de la progression du récit, les enjeux et les objectifs de chacun des personnages. Parfois plus qu'il n'en faut d'ailleurs, mais on ne peut que féliciter l'auteur, réalisateur et accessoirement comédien, d'avoir su bien articuler l'ensemble et nourrir comme il faut ses personnages, par des dialogues décidément de plus en plus clairs et suffisants. Moins bavards qu'à l'usage chez le réalisateur, ils savent en effet ici souligner les noeuds dramaturgiques en rappelant régulièrement les objectifs et les enjeux de chaque personnage, comme il se doit. Nous apprécierons aussi les petits clins d'oeil à la langue et à la culture française qui ponctuent le récit bien qu'ils n'apportent pas grand chose à sa progression, quoiqu'ils rappellent le raffinement du Dr Schultz, utile pour caractériser ses actions.

2) Points faibles
Le goût du réalisateur pour l'effet tire le récit vers la posture. Mais, comme à chaque fois chez Tarantino, on se prend au jeu et, par exemple, la musique qui vient souvent appuyer l'image ou les mises en situation souvent trop romanesques, conviennent et participent au régal de ce western d'adolescent. Seul un des derniers coups de théâtre peut apparaître invraisemblable, lorsque notre héros noir esclave est pris au piège de ses ennemis qui ne l'achèvent pas alors que nous les avions vus jusque là sans pitié envers les hommes de sa catégorie. Une sortie en deus ex-machina qui aurait mérité une plus grande attention.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit n'a pas grand chose à reprendre tant il est bien structuré. La délivrance héroïque de Django (Jamie Foxx) en fin de parcours pourrait engager juste un peu plus de vraisemblance. Par exemple, au lieu de le voir s'en tirer par un défaut de méchanceté de ses ennemis, nous aurions pu le voir s'en tirer par une pirouette verbale comme le lui avait pourtant si bien enseigné préalablement son mentor le Dr King Schultz en la personne de Christoph Waltz. De multiples placements tout au long de l'oeuvre qui auraient obtenu ici un confortable et généreux paiement. Ce Tarantino reste cela dit un bon cru.

Arzhur Caouissin.

samedi 2 février 2013

Alceste à bicyclette

Titre

Alceste à bicyclette.

Scénaristes

Philippe Le Guay, Fabrice Luchini.

Commentaire

Serge Tanneur, un comédien renfermé et en retraite, se voit proposer de revenir sur les planches pour jouer Molière et rencontre une femme qui le fait également espérer. Mais, suite à de multiples déceptions humaines, son côté misanthrope qu'il acceptait de délaisser, au contraire, se confirme. Une oeuvre par nature très littéraire qui aurait pu gagner en efficacité avec un peu plus de mise en situation.

1) Points forts
L'idée de confronter l'oeuvre de Molière, Le misanthrope (Alceste dans la pièce), à notre monde actuel, où les comportements humains se révèlent souvent égoïstes, violents, trompeurs et décevants est une idée propice à de belles mises en situation. Le paralèlle entre les textes construits en alexandrins, de Molière, et la vie de bobos en retraite sur l'île de Ré qui se prennent le chou avec une jeune actrice pornographique, un chauffeur de taxi insistant, un agent immobilier envahissant, est une belle trouvaille. C'est une manière très délicate de ramener le spectateur d'aujourd'hui à l'oeuvre de Molière, peut-être difficile au premier abord.

2) Points faibles
L'attention constante sur le texte de la pièce du misanthrope rend ce récit un peu terne. Les occasions ne manquent pas, pourtant, de nous faire vivre des situations conflictuelles. Mais les intentions des personnages sont souvent assez peu nourries à l'exception des deux principaux incarnés par Luchini et Wilson, encore que. Les conflits arrivent donc souvent comme un cheveux sur la soupe. Les actions, non organiques, donnent un côté artificiel à la trame et on observe souvent que les réactions sont soit disproportionnées, soit décalées, par rapport à la réalité de nos personnages. Cela ne remet pas en cause naturellement la qualité du jeu des comédiens qui rattrape heureusement les maladresses structurelles du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Le film est entre deux. Il ne tranche pas assez. Soit, on concède que les textes de Molière valent de réaliser une oeuvre de théâtre filmé, auquel cas il nous manque des textes et de l'immersion dans la pièce dont il est question. On aurait alors obtenu une l'Avare, comme celui joué par de Funès, ou un OVNI du type Dogville mis en scène par Lars von Trier. Soit, on considère que l'action contemporaine vaut largement les mises en situations de l'époque, et dans ce cas, il fallait renforcer ces situations et les nourrir davantage par une oeuvre plus incarnée.

Pour ne pas refaire la pièce, naturellement, il m'apparaît plus utile d’expérimenter la deuxième proposition, c'est-à-dire la version contemporaine du misanthrope. Dans ce cas, nous aurions dû connaître mieux les motivations de chaque personnage secondaire en nous permettant de participer à leurs vies sur l'île de Ré, ce qui n'a pas été le cas. Nous aurions pu recoller toutes les scènes secondaires en un fil plus probant, plus liant, plus chorale. Par exemple, la jeune actrice porno qui veut s'engager et partir à Bucarest aurait pu annoncer à sa mère, tenancière de l'hôtel, son départ. Cela aurait fait chuter la mère du chauffeur de taxi, présente à l'occasion, qui se serait cassée le col du fémur, scène choisie par les auteurs pour créer du conflit avec les deux comédiens. Chauffeur par ailleurs amoureux de l'italienne qui viendrait de le plaquer par la considération outrageuse et déplacée qu'il aurait faite de la jeune comédienne, etc, etc. Hélas, tous ces rôles existent mais sans relation aucune et sans motivation.

D'autre part, pour sortir un peu du huis clos forcé de l'île de Ré, une escapade en Italie, à Bucarest, à Paris, sur un tournage, nous aurait apporté plus d'air que celui de l'île à elle-seule, qui s'éfforce de nous divertir par des gadgets non structurels comme ces glissades répétées à bicyclette dans l'eau ou des visites répétées et impromptues d'un agent immobilier ou la sonnerie intrusive du téléphone portable.

Ce récit ne gâche pas cela dit le plaisir de voir de brillants comédiens à l'oeuvre, ni, très certainement, de redécouvrir un des plus grands classiques de la littérature française, très actuel en effet.

Arzhur Caouissin.

lundi 28 janvier 2013

Ocean's 11


Titre

Ocean's eleven.

Scénaristes

Ted Griffin, Harry Brown, Charles Lederer.

Commentaire

Danny Ocean, un gentleman cambrioleur tout juste sorti de prison, et qui vient de se faire voler sa bien aimée par le plus grand propriétaire de Casinos de Las Vegas, organise un casse en vue de se venger et de récupérer son ex. Pour ce faire, il se fait accessoirement entourer de 11 experts cambrioleurs.

1) Points forts
L'illusion de faire croire que le récit repose sur plusieurs têtes d'affiche alors qu'un seul personnage est réellement central : Danny (George Clooney). La mise en scène de Steven Soderbergh ancrée dans un style années 70 ajoute élégance à cette illusion. Les enjeux sont clairement définis. D'abord, Danny dévoile son intention de voir grand, de faire un gros coup, pour l'argent. Tous ses amis le suivent pour la même raison mercantile et pour une raison personnelle. Une deuxième placement nous pousse encore plus dans la nécessaire action lorsque Danny affirme, plus tard, qu'il est redevable d'un ancien taulard et que ce coup n'est pas seulement une histoire d'argent, mais d'éthique. Le plan d'attaque continue donc de se mettre en place en nous tenant un peu plus en halène. La vraie révélation apparaît lorsque, au pied du mur, à la seconde qui précède le cambriolage, Danny avoue agir par vengeance et par amour. La montée en puissance des enjeux entraîne tout ce beau monde dans une action insurmontable, qui, bien que souvent cousue de fils blancs, offre au spectateur un bon spectacle d'humour et de justice.

2) Points faibles
Structurellement, il n'y a pas de points faibles apparents dans la progression du récit. On regrette toutefois l'invraisemblance d'une surveillance réduite d'un coffre fort le jour où celui-ci est le plus abondamment rempli.

3) Le même scénario, réécrit
Le même scénario gagnerait en crédibilité si l'action demeurait plus vraisemblable, mais il perdrait inversement en efficacité. Le choix a été fait de valoriser l'action et le spectacle. C'est parfaitement louable. Nous retiendrons dans cette oeuvre qu'une bonne comédie chorale repose, quoi qu'il en soit, sur un fil simple pour lequel seul un personnage principal mène la barque, même si celui-ci apparaît discret. Mais ce n'est qu'une illusion. Le vrai cambriolage est celui de notre attention.

Arzhur Caouissin.