dimanche 30 novembre 2014

Lucy


Titre
Lucy

Scénaristes

Luc Besson

Commentaire

Un récit non nourri et donc invraisemblable faisant au passage l'éloge des paradis artificiels.

1) Points forts
La tentative du réalisateur d'intercaler des scènes documentaires entre les séquences de la fiction apporte une écriture digne d'un premier prix de mise en scène.
Le thème de la perception enfin abordé sans tabou.

2) Points faibles
Les personnalités de chaque protagonistes ne sont pas définies. On ne sait pas ce qui habite l'héroïne, ni ses opposants. On ne connaît pas leur mode de vie, ni leurs croyances. Cela donne une impression d'attente pendant tout le récit qui, malgré les obstacles, les explosions, les courses poursuites, ne parvient pas à impliquer le spectateur. On se demande où l'on va et ce que font là tous ces personnages.
L'utilisation de scènes documentaires pour offrir une lecture originale de la fiction pèse également par le choix des images qui commentent et soulignent de manière très téléphonée la fiction. Quand l'héroïne entre, par exemple, dans un palace pour y déposer une mallette dont elle ignore le contenu, une image d'un piège à souris avec un bout de fromage apparaît. On est loin de la métaphore nébuleuse du cinéma d'art et d'essai. Le film est raconté avant qu'il ne se déroule, ce qui se révèle extrêmement pénible.
Les énoncés scientifiques des élites (Morgan Freeman) ne relatent que des banalités admises depuis tous en classe de sixième, telles que : "le cerveau humain n'est exploité qu'à 10%". Ces thèses ne reposent, en outre, que sur des suppositions puisque rien ne nous dévoile ici l'origine de ces mesures. Ce qui rend peu probant l'ancrage scientifique du récit.
Du coup, pas de véritable histoire, ni de réel fondement scientifique, font de ce film une oeuvre sans grand intérêt si ce n'est d'éveiller le spectateur à l'idée brillante que notre perception est en deçà de ce qu'elle pourrait être. Mais ce récit n'exploite, à son tour, que moins des 10% de son potentiel.

3) Le même scénario, réécrit
Creuser un peu plus les thèses scientifiques à partir de données tangibles, comme l'idée mal exploitée et peu étayée, par exemple, selon laquelle le temps et la masse jouent sur la réalité de la perception. Il faudrait l'affirmer de manière plus juste que par l'erreur suivante : "il y a matière parce qu'il y a du temps". Non seulement cela n'explique rien, mais en plus c'est faux. C'est en effet le contraire qui est admis : le temps est subordonné à la masse et, l'auteur aurait eut bon goût de conclure que toute personne ayant assez de recul pour conceptualiser le monde sans ses 4 premières dimensions (longueur, largeur, profondeur, temps), accède à une vision globale et instantanée du tout, et donc, à ce que l'on peut définir comme la perception. A condition toutefois de mesurer cela et rapporter des études graphiques tangibles et incontestables étayant ces dires.
Ce niveau de conscience ne semble-t-il pas, par ailleurs, accessible par des états de transe tels qu'enseignés par des moines de toutes religions ? Or, aucun avis non plus n'apparaît sur la question. Un vrai manque documentaire apparaît manifeste, pour le coup, dans un récit qui se veut justement adossé à une vision documentée des choses. Cette vision multi-théologique aurait pourtant aidé à toucher les croyances de chacun, à caractériser les personnages, à définir les enjeux, tout en positionnant le film dans l'actualité d'un monde en quête de sens et de par ses nombreux conflits religieux. On est passé à côté d'un grand récit.
Un scénario dont la morale aboutit finalement à dire que l'on atteint la perception qu'à l'aide de drogues dures sonne, pour finir, comme un arrière-goût de propagande pro narco.
Luc Besson, Dieu du pitch mais toujours trop avare d'écriture, passe ici à côté de son objectif, et ce malgré l'énergie et les qualités dont il dispose en tant que fabriquant d'image.

dimanche 9 novembre 2014

Interstellar


Titre

Interstellar

Scénaristes

Jonathan Nola, Christopher Nolan

Commentaire

Une fiction documentée sur la fin de notre civilisation, mais irréaliste tant l'emprise des problèmes individuels absorbe les enjeux universels.

1) Points forts
Dans cette histoire où une équipe de scientifiques décide de percer le secrets d'autres galaxies, à l'aulne de notre propre civilisation, les personnalités de chaque individu sont très bien nourries, compte tenu du temps effectivement attribué pour leur mise en place (le film dure 2h50).
Les différentes étapes de progression du voyage intergalactique reposent, de plus, sur des données réelles. Il est en effet possible de rencontrer des portes de verre (couloirs du temps) selon la recherche astronomique. Il est également plausible de graviter autour d'un trou noir afin de tirer partie de son inertie pour avancer dans l'espace, mais contre un ralentissement important du temps. La géologie peut également se développer sous d'autres formes, dans d'autres galaxies, mais avec des échelles et des rapports à la gravité bien différents. Les spectateurs des séries Les mystères de l'univers et Alien theory, sur RMC Découvertes, en auront pour leur argent.

2) Points faibles
L'enjeu colossal de sauver la Terre en trouvant une planète habitable face à celui, trop personnel, de revoir ses enfants, pour un homme désabusé qui ne croît plus en son prochain, semble peut affecter les scientifiques chargés de sauver le monde. Il paraît en effet invraisemblable que l'on envoie des humains sauver la Terre, alors qu'ils apparaissent manifestement psychologiquement très fragiles, suicidaires, colériques, amoureux, loin des proches dont ils ne peuvent se passer et risquent à tout moment de se perdre. Ainsi, le récit attribue une dimension trop importante pour les relations sociales alors que l'enjeu humaniste, de civilisation ou militaire devrait prédominer.
La musique angoissante et assourdissante vient également plomber la lecture de l'épopée. On sent le rafistolage pour maintenir l'attention d'un film trop long qui se perd dans les problèmes psychologiques personnels.
Le héros, Cooper (Mattew McConaughey), semble enfin terminer sa course par un extraordinaire deus ex machina qui le propulse d'un univers à l'autre, on ne sait comment, et ce malgré l'effort d'écriture sur les imbrications de ces différents espace-temps jusqu'à lors mis en scène. Tout ça pour ça ! Quel dommage !
On ne perçoit pas, enfin, les implications des découvertes effectuées lors de ce voyage, dans le devenir de notre civilisation, trop étouffées par les rapports sociaux.

3) Le même scénario, réécrit
En retirant une bonne partie de la bande son, on mettrait en évidence les scènes de conflits personnels bien trop imposantes. Et en les réduisant à une simple expression, une phrase par personnage, une pause, le film reprendrait sa dimension dramatique plus globale, plus universel, avec une rythmique plus efficace et au passage moins glauque (la musique est un agglomérat réverbérant de sons métalliques stridents). On reste encore assez loin de l'oeuvre de Stanley Kubrick de 1968. Un film qui se laisse voir, une fois, peut-être.

dimanche 2 novembre 2014

Magic in the moonlight

Titre

Magic in the moonlight

Scénaristes

Woody Allen

Commentaire

Comédie fidèle à son auteur ficelée comme une intrigue parapsychique. Un bon moment.

1) Points forts
Bonne structure dramatique nourrie de nombreuses questions existentielles qui balisent bien le récit. Qu'y a-t-il au-delà du réel ? Puis-je aimer une fantaisiste alors que je suis quelqu'un de sérieux ? Peut-on compter sur ses vrais amis ? Le bonheur est-il matériel ?
On apprécie également la qualité du fil conducteur psychiatrique qui draine, comme toujours chez Woody Allen, l'histoire, et apporte un second niveau de lecture. Par exemple, lorsque le personnage principal de Stanley Crawford (Colin Firth) pense avoir découvert la vérité, il évoque sa mère, le ciel, s'allonge en position foetale et s'endort pour décompresser d'une tension accumulée depuis son enfance.

2) Points faibles
Fidèle à lui-même donc, Woody Allen ne manque pas d'offrir des dialogues un peu trop présents qui pourraient être remplacés par des scènes. Par exemple, lorsque Stanley évoque sa tante malade, ses souffrances, il ne fait qu'en parler, on ne la voit jamais malade. Ou lorsqu'il évoque son enfance apeuré par l'inconnu, le ciel, la grandeur des astres, on ne le vit pas non plus. C'est un des grands défauts des oeuvres de Allen qui le rend un peu moins accessible qu'il ne devrait et lui confère un style trop littéraire, mais c'est aussi sa signature.
On regrettera aussi la légèreté avec laquelle Stanley décide, soudain, de ne plus croire au surnaturel. Aucune preuve ne nous permet de le comprendre. Il change d'avis, un point, c'est tout. Pour le coup, c'est un peu surréaliste.

3) Le même scénario, réécrit
La structure dramaturgique étant correcte, et bien que certains retournements pourraient être mieux nourris, il ne reste finalement qu'à mettre en scène les événements secondaires décrits dans les dialogues pour offrir une oeuvre plus efficace. Quelques scènes supplémentaires s'imposent donc. Mais le film reste tout-à-fait plaisant, à l'heure où le matérialisme du monde nous éclaire sur le sens qu'on veut pouvoir lui donner.