dimanche 23 mars 2014

Her

Titre

Her

Scénaristes

Spike Jonze

Commentaire

Une oeuvre très profonde qui nous enseigne sur nous-même et nos relations, rudement bien mise en scène, malgré quelques longueurs dues à un jeu de rôle un peu huis clos et trop dialogué.

1) Points forts
Dans ce récit qui aborde l'absurdité d'une relation amoureuse entre un être humain et un système informatique avancé, toutes les étapes de l'amour (coup de foudre, conflit, passion, rupture, doute, trahison...) de la vraie vie sont traitées et nous aident à apporter une lecture radicalement objective et parfois violente sur nos propres émotions. Certaines situations, adossées à une machine virtuelle, en deviennent même comiques. Ainsi, lorsque le système annonce à son amoureux l'avoir trompé avec des milliers d'autres simultanément, on compatit avec le héros qui souffre intérieurement, mais on ne peut qu'éclater de rire.
La mise en scène intemporelle, dans un lieu indéterminé ou presque (mélange de vues entre Los Angeles et Hong-Kong), renforce encore plus l'isolement et l'universalité de la passion amoureuse que vit Joaquin Phoenix (Theodore Twombly).

2) Points faibles
Les longs monologues qu'entretient le héros avec Samantha, son OS (Operating System), oublient de nous impliquer dans ces échanges par un enjeux plus fort que de vouloir aimer et être aimé, d'où un sentiment de longueur.

3) Le même scénario, réécrit
Nous savons que Theodore vient de divorcer. On aurait pu remplacer quelques répliques redites, d'un amour confirmé et d'une complicité déjà admise avec l'OS, par des enjeux tels que le retour inattendu de l'être physique autrefois aimé et maintenant délaissé. Son déni aurait aidé à renforcer l'aveuglement du personnage pour son système. Mais, ce scénario reste un objet tout-à-fait original et digne de considération, brillamment traité, et qui nous enseigne sur nous-même. A voir absolument.

Dallas buyers club

Titre

Dallas buyers club

Scénaristes

Craig Borten, Melisa Wallack

Commentaire

La petite histoire vraie d'un cowboy sidéen, désavoué par ses pairs, mais qui trouve sa voie dans une lutte humanitaire envers et contre les intérêts des grands lobbies. Un récit bien ficelé quoi qu'un peu mécanique.

1) Points forts
La caractérisation des personnages est forte et leur opposition affirmée. Elle contribue à bien nourrir le conflit. Par exemple, lorsque Ron Wordroof (Mathhew Mc Conaughey) apprend qu'il est atteint de la même maladie que des homosexuels, il est hors de lui et il lui en faudra de la volonté pour passer outre ses préjugés. Ce qui renforce mécaniquement l'importance de sa décision le jour où il se range de leurs côtés pour lutter contre les industriels et pour passer outre tous les obstacles qui jonchent son quotidien, de devoir sans cesse vivre avec les frasques d'un genre que tout l'oppose.
Les traits marqués du scénario aident aussi à apporter un peu de légèreté dans ce drame très sombre au premier abord. L'attitude raciste et rigide de Ron aide à oublier la douleur de cette maladie.

2) Points faibles
Les traits extrêmes des personnages et la lutte d'un individu contre tout un système, rend le récit un peu manichéen.

3) Le même scénario, réécrit
Pour rendre le récit un peu plus universel, il aurait été intéressant d'alléger quelques confrontations trop tripartites entre le dur, la folle et le lobby. Mais nous aurions également perdu en comique. Un choix qui peut donc se défendre. L'auteur aurait également pu envisager d'inverser un peu plus les rôles afin de surprendre le spectateur en obligeant, par exemple, le cowboy à paraître plus sensible que la folle et la folle plus radicale pour défendre soudain ses propres inétrêts. Un film qui joue cela dit bien son rôle de rendre agréable un drame qui aurait pu très vite tomber dans le pathos. Un bon moment.

dimanche 9 mars 2014

The grand Budapest hotel

Titre

The grand Budapest hotel

Scénaristes

Wes Anderson, Hugo Guiness

Commentaire

Délicatesse et candeur britannique offrent un ovni poétique et absurde dans un monde de brutes d'entre deux guerres. Le film s'attarde hélas sur sa photogénie au détriment d'une trame narrative un peu floue.

1) Points forts
L'idée qu'en toute circonstance il faut rester digne, même dans le meurtre, le vol ou la séduction, trouve écho dans la mise en scène où chaque plan trouve aussi, même dans le meurtre, la violence et la duperie, son axe, ses couleurs, son décors et du temps pour le représenter.
Les accessoires qui accompagnent les personnages dans leur caractérisation contribuent au déroulement organique du récit. Par exemple, Mr Gustave (Ralph Fiennes), en vrai gentleman, prend toujours le temps d'étayer le pour et le contre de chaque situation et de s'assurer qu'aucune déconvenue ne pourrait interférer, face à telle ou telle action, avant d'agir. Ainsi, il se met tout seul dans des situations embarrassantes lorsqu'il est, par exemple, poursuivi par ses ennemis et qu'il ferait mieux de courir pour leur échapper. La distance que son flegme entretient avec la dure réalité d'un monde entre deux guerres lui offrent des arguments pour se tirer, à l'inverse, de situations complexes. Ainsi, emprisonné, au lieu de subir le mépris d'autres incarcérés, en prenant soin de bien leur servir leur soupe et qu'elle ne soit pas trop salée et corresponde à leur éventuel appétit, il tisse des relations amicales qui l'aideront, plus tard, à s'évader.
Même la décor apporte son lot d'idées. On apprécie par exemple l'hommage que le réalisateur fait à Léa Seydoux, qu'il met en scène, en lui faisant déplacer un tableau de deux femmes homosexuelles (de Schiele), rappel du film La vie d'Adèle, histoire de lesbiennes, où elle y joue le premier rôle. 

2) Points faibles
Les dialogues verbeux plombent la trame organique au point de laisser le spectateur perdre le fil du récit. Les objectifs et enjeux n'étant pas définis dès le début, on s'impatiente de savoir où l'on nous embarque. Bien que le maître d'hôtel nous dévoile son intérêt pour l'héritage d'un tableau de maître, nous ne savons pas pourquoi il est si important pour lui, ni ce qu'il risque à ne pas l'avoir, lorsque d'autres refusent, en face, qu'il obtienne sa part du testament dont il est honoré. C'est seulement à la fin du film qu'on découvre l'ampleur et le rôle que l'héritage apportera dans son quotidien : la fortune que cache en réalité ce premier héritage. L'enjeu, quand à lui, qui est de sauver sa peau à cause d'héritiers jaloux et revanchards, se manifeste au fur et à mesure, ce qui peut avoir l'air suffisant, mais on ne mesure alors pas assez pourquoi, dès le départ, il est si vital pour notre héros de gagner cet héritage bien qu'il vive aisé, dans un grand et luxueux hôtel.

3) Le même scénario, réécrit
La menace de la guerre devrait mettre en péril l'équilibre financier du héros, pour ainsi l'obliger à récupérer à tout prix son héritage qu'on tente de lui retirer et ce, malgré l'honneur dont il témoigne et malgré la passion qu'il peut avoir pour ce tableau. Ensuite, il devrait très rapidement savoir quelle autre incommensurable fortune (un palais, une grande pâtisserie, de l'argent) sont en jeux avec les autres héritiers pour l'inviter à se battre encore plus, pour l'honneur si précieux à ses yeux cette fois, afin qu'une telle somme ne parvienne pas aux horribles meurtriers qui ont, nous l'apprenons d'ailleurs, assassiné leur vieille tante pour l'héritage. Parvenant à ses fins : révéler l'assassinat, il aurait, comme le prévoit l'actuel scénario, bénéficié d'un testament bis à lire "en cas d'assassinat" pour seulement récupérer ladite fortune. Ainsi, le fil du récit aurait adopté des traits et des mécanismes plus organiques et impliquant une action plus causale et passionnante.
Le talent du réalisateur, heureusement, avec ses nombreux clin d'oeil oniriques à la sauce Jeunet et l'effort de sa mise en scène, nous aident, de justesse tout de même, à absorber ce récit.