dimanche 13 juillet 2014

Noé

Titre

Noé

Scénaristes

Daren Aronofsky, Ari Hendel.

Commentaire

Ce récit biblique du mythique Noé est bourré d'effets inutiles, d'incohérences et passe à côté de l'essentiel, la connaissance du monde.

1) Points forts
Ce récit biblique est traité ici avec un personnage plutôt sensible. Cela nous permet de développer autour de lui une grande empathie malgré le dogmatisme et l'entêtement dont fait preuve, ici, Noé (Russel Crowe).

2) Points faibles
Tout d'abord, sur la forme, les auteurs ont voulu apporter une touche humaine et sensible à Noé, en lui faisant subir la bêtise humaine, et, par réaction, l'amener à vouloir venger le grand créateur (Dieu) en accomplissant la mission de laisser noyer l'espèce humaine à l'occasion d'un grand déluge. Mais alors, pourquoi accoler des dialogues empiriques, pesant, téléphonés, comme dans un mauvais péplum ? Il y a un réel décalage entre l'intention et le traitement qui sonne incroyablement faux.
Sur le fonds, on passe le plus de temps à voir des combats entre des pierres volcaniques "transformers" et des villageois guerriers cannibals, ce qui ne fait en rien progresser la ligne organique du scénario et apparaît en décalage total avec le récit biblique originel, basé plus sur le côté missionnaire de Noé.
On s'interroge également sur la manière dont Noé et ses pairs peuvent vivre en ne consommant que des baies dans un désert de roche dépourvu de végétation, sans culture, sans structure sociétale. Une baie par jour semble suffire à lui et ses proches pour leur octroyer de super pouvoirs presque divins.
L'arche que Noé construit reste, en plus, bien que de volume adapté aux besoins de la cause, totalement disproportionnée par rapport à ses propres possibilités physiques. Mais Dieu merci, il s'est fait aidé par les roches "transformers". On est sauvé !
Enfin, l'essentiel, la loi de la nature, la corrélation entre chaque espèce, le mécanisme biologique de notre écosystème, normalement trame de fonds de ce récit, n'est bien sûr aucunement traité.

3) Le même scénario, réécrit
L'histoire initiale de Noé est de rassembler toutes les espèces du monde dans une arche qu'il construit de ses mains, pour préserver la faune et la flore d'un déluge dévastateur à venir, voulu par Dieu pour faire table rase et refaire le monde sali par l'homme. C'était là une belle occasion pour rendre Noé humain, justement, en l'amenant à révéler à son entourage le rôle de chaque espèce, de chaque semence, dans l'écosystème planétaire, et l'incidence que l'homme a sur son dérèglement, et le besoin d'en finir, qui plus est à l'heure où nombre de nos concitoyens justement restent totalement ignares en la matière et où les questions écologiques deviennent décisives et interpèlent le monde. Cela aurait éviter de devoir injecter des artifices stériles tels que des combats médiévaux et des roches vivantes qui parlent et marchent comme des humains pour maintenir faussement l'attention du spectateur. Mais ce dernier n'est pas dupe, et finit par se lasser de cette incroyable supercherie. Ce film ne mériterait pas d'être sauvé des eaux.

samedi 12 juillet 2014

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?

Titre

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?

Scénaristes

Philippe de Chauveron, Guy Laurent.

Commentaire

Une farce remplie de clichés et sans trame organique qui interroge sur l'incroyable succès de ce film pourtant consternant, et malgré un thème prometteur et des comédiens honorables, malheureusement peu aidés par le scénario (à l'image sans doute des précédentes oeuvres des mêmes auteurs : Neuilly sa mère, Ducobu, Les seigneurs...). C'est que les contextes de crises sont très favorables aux comédies, même les plus mauvaises.

1) Points forts
L'idée de fédérer autour du sujet de la tolérance est universelle et touche forcément tout public. La confrontation d'un juif, d'un musulman, d'un chinois, d'un noir catholique, et de parents conservateurs gaullistes, contient tous les ingrédients pour un vrai boulevard vaudevillesque. Ce qui aide le récit à tenir car de simples confrontations induisent des situations cocasses.
Ce sera tout, hélas.

2) Points faibles
Tout d'abord, le racisme latent des parents n'est pas nourri. On subit donc leur rejet des autres, sans aucun fondement. Ainsi, Claude Verneuil (Christian Clavier), dénonce les dérives de ses gendres sans que nous les ayons vécues ni identifiées, ne serait-ce que par amalgame de faits observés sur des populations équivalentes, à la télévision. Les dialogues regorgent alors de pics absolument indigestes, parfaitement racistes, sans que rien ne soit mis en place pour les justifier. Et ce mécanisme non organique se répète. Lors du premier repas de famille, chaque gendre se défoule en critiquant l'autre à travers des clichés téléphonés, tels que "tu es juif, donc, tu es comme-ci", "tu es rebeu, donc, tu es comme ça", toi, le chinois, tu es comme cela...". Et l'on devrait en rire ?
Les réactions à chaque événement sont en outre totalement irréalistes et démesurées. Le père africain fait inviter 400 convives au mariage de son fils et annule au dernier moment. Les engueulades s'additionnent alors que rien de grave n'est commis et qu'aucun enjeu dramaturgique n'est identifié (menace de mort, incompatibilité religieuse, allergie, atteinte morale ?).
L'histoire se termine en happy end par un mariage attendu depuis le début. So what ?

3) Le même scénario, réécrit
Pour nourrir organiquement ce récit, la première chose à développer eut été de mieux caractériser chaque personnage secondaire, non pas les conjoints qui ont déjà leur spécificité culturelle, mais les quatre soeurs qui les épousent. Elles n'apportent pas grand chose à la trame du récit alors qu'elles sont le pilier et le ciment qui doit justement fédérer tout ce beau monde.
Ensuite, une vanne ne peut faire rire que si elle est nourrie. Aussi, il faudrait que chaque cliché raciste puisse être la conséquence d'une mauvaise expérience vécue par les parents conservateurs que nous avons besoin, en tant que spectateur, de connaître. Et il aurait fallu à chacun de prendre sur soi pour prouver qu'aucun amalgame ne doit être fait et que, dans bien des situations, au contraire, les caractéristiques culturelles et sociales de ceux qui apportent une différence peut au contraire sauver bien des situations. Ce qui implique qu'une situation personnelle du père conservateur aurait dû être nourrie (une faillite, une maladie, une grande épreuve plus grave d'une tentative de divorce) pour se voir ensuite déliée grâce au concours de ses gendres et tout le monde aurait été rassasié, happy end ! Mais on reste très loin du compte. Et Christian Clavier qui nous torpille de rire dans d'autres comédies ne sort pas ici très grandit, et nous non plus.

Un autre film sur le choc des cultures, bien plus brillamment conduit, était Black and White, sorti en 2005. Là, oui, les scènes sont nourries et participent à un rire bien construit et une happy end aidant à la tolérance. Préférez ce dernier.

lundi 7 juillet 2014

Monuments men

Titre

Monuments men

Scénaristes

George Clooney, Grant Heslov, Robert M. Edsel, Bret Witter.

Commentaire

Des missionnaires à la recherche d'un trésor perdu, subtilisé par les nazis en 1943, mais dont le récit manque profondément de placements et d'enjeux nourris. On obtient une oeuvre lente qu'on subit, et le casting exceptionnel ne suffit naturellement pas à relever la sauce.

1) Points forts
L'idée de narrer les aventures d'artistes et de collectionneurs d'art, dans le contexte d'une guerre mondiale et face à des opposants de sensibilité pour le moins différente, est prometteuse et permet bien des confrontations. Comment un être passionné d'art et sensible, réservé, discret, pacifiste, peut-il en effet accepter de s'engager, en guerre, prendre les armes, pour défendre une cause alors que sa propre sensibilité devrait, semble-t-il, lui interdire ? C'est original, universel, et historique. Tout est là pour en faire un très grand film.
L'oeuvre ne tente pas de reproduire les effets visuels néo-réalistes de Il faut sauver le soldat Rayan, même si le procédé dramatique et l'époque du récit ont beaucoup de similitudes.

2) Points faibles
D'un point de vue esthétique, aucune idée spécifique de mise en scène n'est apportée alors qu'on parle d'art, et de ce que les grands créateurs du XXème siècle et de la Renaissance ont apporté à notre civilisation. On passe à côté de l'occasion de jouer de mise en scène en corrélation avec ce qui est raconté.
L'enjeu est important, celui de sauver des oeuvres d'Art essentielles de notre civilisation, mais il est mal nourri, voire pas du tout. Comment celui qui n'a pas de culture artistique peut apprécier le fait que des hommes vont tuer et se faire tuer pour des oeuvres d'art ? Il manque indéniablement quelques séquences de leçons autour de l'importance que revêt une oeuvre d'art dans l'évolution de nos sociétés, comme par exemple, ce que la Joconde introduit par la rupture qu'elle incarne entre un mode symbolique et religieux, de représentation, et le mode rationaliste renaissant, préambule à une révolution humaniste et industrielle...
On retrouve plan par plan quelques copies stériles de scènes d'autres films, comme dans Good morning Vietnam, avec la scène du phonogramme qui diffuse une musique sensible dans un camp de militaires et qui émeut tout le monde. Aucun distance n'y est apportée.
On ne comprend pas bien non plus comment l'équipe de collectionneurs se monte si joyeusement et si rapidement, sans aucun clivage. Tous apparaissent naturellement bons soldats et de bons va-t-en guerre. C'est irréaliste et très proche de la propagande.
Outre un manque sérieux de scènes nourries, beaucoup de séquences ne font pas vraiment progresser le récit non plus. Ainsi, l'équipe progresse de ville en ville, sans forcément obtenir de réponses, en observant l'environnement, mais sans qu'aucune action ne soit réellement déterminante pour la suite.

3) Le même scénario, réécrit
Pour rendre cette brillante idée plus efficace, il aurait fallu nourrir bien plus les enjeux des collectionneurs en leur attribuant un objectif personnel, en plus de l'objectif global de sauver l'art. Par exemple, l'un d'entre eux aurait pu avoir vu ses frères tués par les nazis, il se serait vengé. Un autre aurait vu les oeuvres de sa thèse brûlées, il aurait voulu réparer. Un autre aurait même pu être presque collabo, mais, passionné d'art, il se serait rangé auprès des résistants ! Conflits en perspective !
En outre, il convient évidemment de ne pas conserver les scènes qui n'apportent pas de sens, dans lesquelles les comédiens déambulent sans aboutir à quelque réponse que ce soit.
Une oeuvre qui parle d'Art sans en exposer les préceptes est forcément bancale. Une petite leçon magistrale de quelques minutes sur ce qu'est une oeuvre aurait également fortement renforcé l'objectif principal d'accepter de sacrifier des vies pour une cause noble.
Et enfin, il nous manque une mise en scène digne, dans laquelle on aurait pu découvrir, grâce aux nombreuses occasions qui nous étaient données, de pénétrer dans les mines sombres, des jeux de lumière qui suggèrent les clair-obscurs et les oeuvres picturales les plus célèbres ; ou lorsque l'équipe de militaires se retrouve au coin du feu, on aurait aimé voir remis en situation un tableau néo-classique historique. Vivement un remake pour cette noble aventure !