samedi 13 juillet 2013

Mafia blues (Analyse this)

Titre

Mafia blues (Analyse this)

Scénaristes

Peter Tolan, Kenneth Lonergan, Harold Ramis.

Commentaire

Un scénario très bien structuré, mais qui a oublié son registre.

1) Points forts
Tout y est, les placements, les enjeux, les objectifs.
Lorsque le personnage du psy (Billy Cristal) doit choisir de continuer à aider un dangereux mafieux dépressif (De Niro) (objectif), il apprend en même temps que s'il n'aide pas à le capturer, le FBI lui fera la peau (enjeu). Plus en profondeur, l'histoire personnelle du psy l'amène à vouloir se réaliser face à son père dominateur en aidant le mafieux malgré lui (placement). Le mafieux, qui récuse toute forme de sensiblerie, refuse de prêter l'oreille au psy mais s'y acharne car il ne sait comment résoudre ses conflits internes (obstacles). Et tout cela interférant avec la vie privée de chaque personnage secondaire (mariages, représentations, vengeances). Un vrai boulevard !

2) Points faibles
Le rythme ! Le registre est burlesque mais pas le rythme et c'est une erreur. On s'attend à de multiples rebondissements à chaque révélation. Ils arrivent, mais les auteurs ont choisi de renforcer le côté solennel de certaines situations au lieu de multiplier les incidents. Cela aide à construire l’empathie, mais était-ce le lieu pour développer ce procédé ? Le burlesque exige des rapports plus conflictuels et plus de caricatures. De Niro n'hésite d'ailleurs pas à se caricaturer lui-même mais cela ne suffit pas à créer le rythme.

3) Le même scénario, réécrit
L'histoire gagnerait à rapprocher les rebondissements en ajoutant quelques scènes plus visuelles et physiques à la place des confidences lentes et trop mécaniques. Par exemple, au lieu de laisser chacun énoncer ses difficultés personnelles, nous aurions apprécié bien plus les voir en situation autour d'une table de restaurant à côté de ce qui les répugne, et agir en conséquence, entrainant une avalanche de gags, à la manière de Mrs Doubtfire, par exemple. Mais le film reste agréable car néanmoins structuré. Il vieillira un peu plus vite, c'est tout.

dimanche 30 juin 2013

Pour une poignée de dollars

Titre

Pour une poignée de dollars

Scénaristes

Sergio Leone, A. Bonzzoni, Victor Andres Catena, Jaime Comas, Clint Eastwoo, Duccio Tessari, Fernando Di Leo, Andrés Catena.

Commentaire

Un récit où l'esthétique de l'époque des grands films à spectacle, en cinémascope et en couleur (1964) absorbe une partie de la trame dramaturgique, ce qui en fait une oeuvre assez lente, au demeurant intéressante pour les références qu'elle introduit dans le cinéma contemporain.

1) Points forts
L'objectif simple du héros (Clint Eastwood), qui traverse un village à la frontière du Mexique où deux communautés rivales s'entretuent : mexicains et américains. Il cherche uniquement à venger l'être cher qu'on lui a dérobée dans un passé lointain, puis s'en va.
Les dialogues limités placent clairement les enjeux et les objectifs. Eastwood annonce, à chaque point charnière de la progression du récit, à chaque fois qu'il vient de relever une épreuve, qu'il va soit rester ou partir, et les raisons qui motivent son action. Ou lorsqu'il ne le précise pas, nous le savons déjà par les révélations passées.
On appréciera la mise en scène d'une question existentielle pour Sergio Leone : mon cinéma est-il italien ou américain ? Ici incarné dans le clivage que Eastwood entretient en opposant les deux communautés, mexicaines et américaines, et en se plaçant toujours au centre du débat.
On ne manquera pas de relever les références sur lesquelles s'appuient les cinéastes contemporains, comme Tarantino ou Zemeckis. Tarantino reprend l'ambiance musicale, typographique et les lumières, là où Zemeckis emprunte carrément la fameuse scène du bouclier d'acier qui sauve la vie de notre héros, dans Back to the future 3.

2) Points faibles
L'esthétique qui impose une belle image, et une musique d'Ennio Morricone, rendent certaines scènes parfaitement inutiles ou longues. Ce qui nuit bien sûr à la fluidité de la mécanique générale.
Certaines répliques, isolées d'un contexte explicite lui-même entretenu par des plans trop longs, en deviennent confuses.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit gagnerait à réduire la durée des scènes qui n'apportent pas de progression à la ligne dramatique et à supprimer quelques dialogues superflus et conflits de personnages secondaires servant à peine à les caractériser. Au lieu d'1h39, ce film pourrait ainsi nettement être ramené à 1h15. Il reste cela dit le film révélation de Clint Eastwood, d'un grand réalisateur, et d'un genre de western d'une nouvelle génération.

Arzhur Caouissin

mercredi 26 juin 2013

The bling ring

Titre

The bling ring

Scénaristes

Sophia Coppola, Nancy Jo Sales

Commentaire

Une photographie très contemporaine d'une jeunesse matérialiste débridée.

1) Points forts
La qualité des dialogues et des échanges entre les personnages introduit bien le matérialisme ambiant. Ainsi, lorsqu'un agent de la police demande à l'une des membres du gang de petites voleuses si l'incarcération est dure à vivre, celle-ci répond que oui, car la plupart des filles ont dû défaire leurs extensions capillaires.
Les références aux réseaux sociaux et aux usages d'objets connectés est permanent et reflète bien notre époque où la relation virtuelle et fantasmée prend le pas sur le réel sensible. Des pages physiques sur les réseaux sociaux nourrissent le film et peuvent être consultées indépendemment du film pour étendre l'expérience plurimédia du projet. Les scénaristes n'ont cela dit pas omis de bien nourrir aussi les personnages en leur attribuant quelques faiblesses bien réelles. Marc, par exemple, suit volontiers le groupe de jolies filles voleuses parce qu'il est en manque de reconnaissance. Nicki est, elle, très attachée à l'image d'intégrité et de perfection qu'elle renvoie. Une autre des filles veut posséder et se faire valoir pour plaire à un mafieux local.
On appréciera également le rapprochement avec l'autre film de Sophia Coppola, Marie-Antoinette, dans lequel l'héroïne est, de même, très superficielle et, comme Marie-Antoinette, nous fait découvrir les codes de son époque.

2) Points faibles
L'histoire inspirée de faits réels offre une mécanique simple et un peu répétitive. De cambriolage en cambriolage, sans autre enjeu que celui de posséder des biens de marque, l'objectif mince limite l'intérêt du récit. Les relations entre les individus manquent un peu de profondeur. Etait-ce pour révéler le côté superficiel de ce groupe de jeunes ? Probablement. Mais cela affecte également la structure organique du récit.
Le fait par ailleurs que des voleuses agissent sans prendre garde aux caméras, et aux yeux de tous, paraît irréaliste. Cela était sans doute choisi pour renforcer une fois de plus l'aspect superficiel des voleuses, mais altère à nouveau la logique dramatique. Comme Marie-Antoinette donc, le film pâtie un peu d'un manque d'enjeu et d'objectif, quoi qu'il demeure plus efficace que celui-ci. Le recul de l'auteur, sans doute.
On regrettera enfin l'absence de valeur plus universelle. Quelle est en effet la morale du film ? On se doute qu'il s'agit d'une critique de l'époque contemporaine, mais ce second niveau de lecture qui rendrait l'oeuvre universelle manque de clarté. La question de fonds traite pourtant d'une quête de liberté que recherche ce groupe de jeunes en faisant fi des lois et en s'appropriant, par procuration, la réussite des autres.
Les objectifs individuels sont seulement suggérés. Il faut vraiment y prêter attention pour les déceler. Ce qui renforce l'impression de flottement général.

3) Le même scénario, réécrit
Pour renforcer la mécanique dramaturgique, il aurait fallu compenser l'absence d'humanité des voleuses par un enjeu plus fort. Un enjeu individuel plus affirmé et une vraie problématique pour chaque personnage, ainsi qu'un enjeu collectif et universel. L'enjeu collectif aurait dû affirmer plus nettement la soif de liberté commun à chacun des ados en proie aux cambriolages. Hélas, le film ne tient que grâce au suspens de l'arrestation, et pas par l'addition organique et chorale des différents enjeux. Il reste cela dit un des films les mieux rythmés de Sophia Coppola.

Arzhur Caouissin

lundi 10 juin 2013

| Blake Snyder : Leçon de dramaturgie |

Eteint en 2009 à 52 ans, Blake Snyder était l'un des plus influents script doctor de Hollywood. Bien que chaque oeuvre relève un caractère spécifique, il y a des règles qui en font un récit universel. Voici un brillant résumé de sa trilogie livresque intitulée "Save the cat".

Leçon de scénario, selon l'oeuvre de Blake Snyder, sur Back to the futur. Dans cette démonstration, l'auteur reprend les 15 points structurels fondamentaux de toute oeuvre audiovisuelle commerciale qui se respecte, et qui n'indispose pas la créativité et l'inventivité. C'est simplement ainsi que l'on raconte des histoires depuis la plus haute antiquité.

samedi 25 mai 2013

Barry Lyndon

Titre

Barry Lyndon

Scénaristes

Stanley Kubrick, William Makepeace Thackeray.

Commentaire

Une oeuvre magistrale, de forme à plusieurs niveaux de lecture, innovante, et qui reste encore captivante malgré le temps qui s'y arrête, plus de 4 décennies après sa sortie.

1) Points forts
La structure narrative repose sur deux parties longues et un épilogue court. Chaque scène du récit reprend à nouveau cette structure organique appuyée toujours par trois mêmes symphonies mythiques, comme le sont aussi l'aube, l'aulne et l'épilogue de la vie sans doute.
Ainsi, Barry est un jeune homme amoureux et humilié à maintes reprises par ses proches. Il décide de fuir pour se réaliser. Mais d'échec en échec, il apprend sur la vie que le mieux est sans doute de lâcher prise plutôt que d'écraser les autres. Même si on s'impatiente dans le premier quart d'heure, car on ne saisit pas encore l'objectif du héros, on apprécie rapidement l'originalité de la mise en forme, augmentée d'une image nouvelle pour l'époque (focales grandes, zooms, lumières naturelles) des couleurs harmonieuses en clair-obscure et pastels, et des costumes.
La musique aide à contempler les scènes de vie et de questionnement avec une prégnance et une densité sublimées, presque irréelle mais enivrante, comme l'est aussi l'obstination que s'inflige le héros en persistant à fuir à chacun de ses tourments. Nous le suivons fatalement dans ses diversions.

2) Points faibles
Il est vrai que sans la musique, le film pourrait paraitre long pour qui n'a pas le regard aiguisé pour apprécier les détails de lumière qui composent l'image. Cette musique a fort heureusement un rôle narratif qui renforce l'idée de répétition des scènes et des échecs, avant l'accomplissement par le lâcher prise. Ces scènes de questionnement intérieur et de non-dits pouvaient être plus courtes. Mais la nouveauté technique que ce film apportait à l'époque a cru bon de laisser le spectateur jubiler de ce qu'il découvrait enfin (éclairage à la bougie, zooms du télé objectif au grand angle). Cette musique, par conséquent, n'est pas gratuite, elle accompagne l'émerveillement et l'investissement que le réalisateur a livré dans la construction des scènes, nuance.
On peut s'interroger toutefois sur le traitement de la séquence finale. Sans la dévoiler, l'impression est donnée, involontairement, que la vie se répète et que rien n'a finalement évolué. Mais c'est sans compter sur l'acte décisif que vient alors d'accomplir Barry. Seulement, ce n'est pas le plan final, d'où cette sensation de non réalisation.

3) Le même scénario, réécrit
Il n'y a rien à réécrire tant la structure est réglée et sophistiquée à souhait. Quelques scènes pourraient faire l'économie de silence ou de musiques, mais on s'en accommode encore très bien. Le dernier plan du film aurait cela dit pu être celui ou Barry décide de changer sa façon de faire au lieu d'une scène contemplative sur des personnages secondaires, même si leurs actions sont efficientes, mais ils ne sont pas les personnages principaux. Un très grand film, à voir et à revoir.

Arzhur Caouissin.

lundi 20 mai 2013

Hannah Arrendt

Titre

Hannah Arendt

Scénaristes

Pamela Katz, Margarethe Von Gotta.

Commentaire

Un biopic de la philosophe allemande et juive Hannah Arrendt, qui osa interpeler les responsables du peuple juif en les impliquant dans la Shoah. Il aura fallu plus de 60 ans pour que le cinéma ose traiter la question. Un film par conséquent audacieux sur son propos, même si sa mise en scène peut paraître lisse pour la promesse annoncée. L'affiche elle-même en témoigne.

1) Points forts
L'audace de traiter un sujet très sensible (remettre en question la victimisation d'un peuple meurtri) offre déjà un sujet très polémique, en soi, et dramatique au sens narratif du terme.
Le traitement sobre du personnage principal met à ce titre très bien en avant les agitations d'un peuple sur la défensive. Plus la philosophe demeure sereine, plus les opposants s'agitent. Ainsi, il suffit à l'héroïne de suggérer une pensée pour qu'aussitôt une cascade de réactions en chaîne enclenche le reste de l'histoire et du conflit qui l'oppose à une audience encore sous le coup de l'émotion de la tragédie.

2) Points faibles
L'action démarre seulement lorsque la philosophe lance son idée selon laquelle des responsables du peuple juif ont contribué, par leur inertie, à aggraver le nombre de victimes de la Shoah. Ce qui précède cette révélation très forte laisse de facto apparaître une absence d'enjeu et de but. On sent trop que l'auteur a ménagé ses effets pour laisser place à cette grande révélation, et c'est bien dommage. Ainsi, le film démarre véritablement au début du procès, soit bien après les nombreuses tergiversations inutiles qui amènent lentement la philosophe à venir suivre ce procès.

3) Le même scénario, réécrit
Pour que l'action soit plus efficace, il faudrait élaguer une scène sur deux et la moitié des plans restant de l'avant révélation. Tout le reste, ce qui suit la révélation, est rythmé par le procès, alterné dans une forme on ne peut plus classique, par des extraits de vie et d'actualité, et cela fonctionne naturellement plutôt bien. Un film que l'on aurait donc pu attendre un peu plus nerveux, compte tenu de l'ampleur de dramatique de son propos, qui apparaît au final, un peu tiède.

La piscine

Titre

La piscine

Scénaristes

Jean-Emmanuel Conil, Jean-Claude Carrière.

Commentaire

Une oeuvre d'abord psychologique qui fonctionne en intégrant beaucoup du fantasme et de l'attente du spectateur, comme liant narratif, à des scènes que nous jugerions aujourd'hui un peu trop diluées pour notre époque contemporaine, mais qui étaient nécessaires sans doute pour imposer une esthétique très sensuelle en 1968.

1) Points forts
Ce récit, et l'image qui en découle à l'écran, offrent une excellente photographie de la représentation bourgeoise de 1968. Ce qui en fait une oeuvre sociologique incontournable et marquée par une époque où tout couple matériellement épanoui chercherait, dans une liberté de moeurs, un petit plus pour flatter sa vie.
On appréciera surtout les non-dits au début du récit par lesquels un climat tendu se dessine. Seuls des regards et des expressions entre hommes et femmes envisagent l'impensable luxure qui rongerait un homme et la fille de son meilleur ami et celle de sa propre épouse avec ce même ami.

2) Points faibles
Le récit joue un peu trop sur l'attente du spectateur et l'effet beau couple que forment Alain Delon et Romy Schneider. La tension insufflée par leurs envies respectives d'adultère pouvait peut-être retenir son public à l'époque, encore moralement bridé par la "crinoline", mais ne fonctionnerait plus de nos jours. Le film repose un peu trop sur la crispation ou, au contraire, l'attente libertaire d'un public nouvellement émancipé.

3) Le même scénario, réécrit
L'oeuvre repose amplement sur les valeurs sociales de l'époque. En vieillissant, le scénario fonctionne par nature moins efficacement. Autre temps, autre moeurs ! Pour éviter ce fossé de génération, il aurait fallu raccourcir tout simplement les temps de latence et de digestion de l'action entre chaque scène, et moins focaliser la vue sur ce couple narcissique. Mais le fil dramatique du récit reste par ailleurs bien structuré malgré une déficience de caractérisation des personnages, puisque nous ne savons pour ainsi dire par grand chose sur eux. Les tensions humaines nées de relations potentiellement adultères voire incestueuses ne requièrent généralement en effet aucun placement, tant ces valeurs et ces limites sont de nature universelles. C'est aussi ce qui a fait toute la puissance de ce récit.

Arzhur Caouissin.