mardi 5 mars 2013

Flight

Titre

Flight

Scénaristes

John Gatins, Robert Zemeckis.

Commentaire

Une fable tirée d'une histoire vraie mettant en avant, à l'occasion d'un accident aérien, la puissance des facteurs humain et divin, face à la cruauté des protocoles et de la raison. La structure narrative ne révèle pourtant pas cette promesse sémantique.

1) Points forts
L’empathie créée autour de chacun des personnages (alcoolique, droguée, dealer), et malgré leurs travers, nous rattache à l'histoire. Le pilote est alcoolique parce que son ex et son fils l'ont quitté. La belle Kelly Reilly est une prostituée droguée parce qu'elle n'accepte pas la mort subite de sa mère depuis sa plus tendre enfance. Le dealer aime simplement profiter de l'instant présent.

Les détails techniques du pilotage de l'avion rendent l'action également vraisemblable, grâce à l'expérience du réalisateur Robert Zemeckis que nous savons ancien pilote lui-même. Le parallèle de ce récit incroyable avec ce qui aurait dû être fait si le pilote avait suivi le protocole et notamment le fait de nous rapporter que 9 pilotes experts ont testé le même vol dans un simulateur et aucun a évité le crash, renforcent l'exceptionnel dénouement de cette histoire. Le scénariste nous a épargné un drame choral comme c'est souvent le cas dans les films catastrophes. Ce n'est d'ailleurs pas un film catastrophe. C'est un drame avant tout social.

On appréciera également cette petite scène où une avocate défend son point de vue de la suprématie de la technique sur l'humain à l'aide d'une présentation affichée sur un écran lumineux, et ne peut plus le défendre à partir du moment où sa télécommande tombe en panne, comme tombait en panne l'avion situé au centre du récit et que seul un humain a pu sauvé. Elle a dû accepter de reprendre les choses manuellement pour poursuivre sa présentation.

2) Points faibles
Le récit traîne en longueur du fait que l'on reste trop longtemps sur les remords qui nourrissent les personnages. On passe trop furtivement à côté de l'enjeu qui est : le facteur humain ou divin vaut-il mieux que la raison ? Le film donne une impression de sortir de son objectif pour raconter la vie privée de ses protagonistes et justifier probablement la compassion du héros, avant de revenir, tardivement, sur le véritable enjeu.

L'histoire raconte combien le facteur humain est important, voire, le facteur divin. Mais la narration, le montage, le style, restent en tous points mécaniques. On regrette ainsi que l'oeuvre n'ait pas emprunté l'audace d'un Lars von Trier, par exemple, pour narrer en bouleversant les codes conventionnels de la fiction, par de l'humain justement, tout en provoquant l'émotion.

3) Le même scénario, réécrit
L'histoire aurait gagné en efficacité si l'auteur s'était concentré sur les seuls placements utiles qui nourrissent ses personnages par rapport à l'enjeu. Inutile en effet de raconter pourquoi un personnage secondaire se drogue et se prostitue si cela n'a pas plus d'effet sur la finalité du récit. Ce même enjeu aurait pu être renforcé en représentant physiquement les autres pilotes expérimentés se planter lors des simulations. Cela nous est hélas seulement rapporté. On passe est passé ici aussi à côté d'une belle action de dénouement. Une bonne mécanique aurait ainsi permit de s'affranchir davantage des codes visuels pour ancrer le récit sur une oeuvre plus humaine, plus surprenante, telle que nous pouvions l'attendre du fait du sujet traité.

Arzhur Caouissin.

vendredi 15 février 2013

Brazil


Titre

Brazil

Scénaristes

Charles McKeown, Tom Stoppard, Terry Gilliam.

Commentaire

Un ovni cinématographique qui confronte absurde, rêve et cauchemar dans une parodie d'un monde administré devenu une dictature, sombre et poussiéreuse, à l'opposé du fantasme brésilien. Dans ce récit, qui confronte donc la sensualité de la musique brésilienne et la froideur de l'autorité, Sam Lowry, fonctionnaire, subit une erreur de procédure qui l'amène à défier l'état totalitaire. Le spectateur, comme le personnage principal, tente de fuir une réalité imposée. Pour le héros, le piège se referme sur lui. Mais pour le spectateur aussi, le récit, cousu de deus ex-machina, se referme. Une oeuvre qui défie les règles de la dramaturgie mais qui reste heureusement soutenue par l'ironie et le génie inventif de la mise en scène.

1) Points forts
La mise en scène spectaculaire (qui précède à peine notre ère tout-à-fait numérique) est incroyable, à l'image d'un show des années 80 orchestré par Jean-Paul Goude, en plus grandiose. On y retrouve des décors carton-pâte démesurés, aux lignes et aux couleurs très pures et tranchantes, telles les décisions arbitraires de l'administration dont le récit fait brillamment l'objet. On retiendra aussi l'idée géniale de transposer la lourdeur et l'absurdité des connexions et des procédures administratives de la dictature dans les canalisations et les tuyauteries dont les connexions apparaissent également aussi invraisemblables tant elles débordent de toutes les cloisons et entrent jusque dans les endroits les plus intimes de la civilisation. Un travail important sur le décor a été effectué pour qu'il réponde au sujet du film. La scène finale de la torture tient même lieu dans une cheminée de centrale électrique, le comble du cauchemar sans doute pour l'idéaliste qu'incarnent notre héros et son auteur. On admirera aussi les influences croisées de ce récit qui s'est probablement inspiré des oeuvres de Welles (Le procès de Kafka) et du livre 1984 d'Orwell. Inversement, Brazil semble à son tour avoir inauguré d'autres mises en scène, comme : Minority report (les hommes de main qui sortent d'on ne sait où pour embarquer les hors-la-loi), Retour vers le futur (domotique au réveil du petit matin qui part en vrille et révèle la situation générale d'un système également défaillant), le spectacle d'ouverture des J.O de Londres (où les tours sortent de terre comme les taupes d'une taupinière).

2) Points faibles
La succession répétée de deus ex-machina sensée aider à développer le côté onirique et surréaliste de l'oeuvre fait parfois perdre le fil du récit au spectateur. C'est sans doute intentionnel, mais cela dessert l'oeuvre qui peut apparaître longue ou incontrôlée. L'objectif du héros n'en demeure en effet pas très clair. Il devient amoureux, mais il n'a pas d'enjeu à le devenir. Il est victime d'une erreur de procédure, mais il ne semble rien gagner à lutter contre celle-ci puisqu'on lui offre au contraire une promotion. Il a des visions, des rêves et des cauchemars qui se réalisent. Mais rien ne semble lui permettre de sortir d'une fuite invraisemblable contre ses visions et la dure réalité. C'est malheureusement souvent le problème chez Terry Guilliam. C'est un génie d'imagination et de fantaisie, mais il lui manque un cadre pour structurer son oeuvre qui alors s'étouffe de l’énergie-même qu'il y consacre sans mesure et avec démesure.

3) Le même scénario, réécrit
Le personnage principal gagnerait à affirmer ses objectifs plus fermement et les enjeux à le renforcer. On y serait plus captifs, mais on perdrait sur l'absurde des situations qui font de ce récit un projet cohérent. Il serait alors été plus judicieux de transposer les objectifs du héros dans la nécessité de résoudre ceux de ses opposants, afin, par exemple, qu'ils ne le tuent pas. Ainsi, l'absurdité des opposants aurait pu mener notre héros dans des directions absolument incontrôlables et comiques, sans bouder l'idée qu'il ne sait pas lui-même où il va tout en préservant l'intégrité d'une situation parfaitement irrationnelle.

Arzhur Caouissin.

lundi 11 février 2013

Django unchained

Titre

Django unchained.

Scénaristes

Quentin Tarantino.

Commentaire

Cette histoire d'un justicier esclave noir, à la veille de la guerre de sécession, fait sans nul doute apparaître le scénario le plus structuré de la filmographie de Tarantino. Un film à postures, comme on peut s'y attendre, mais qui plaira aux fans des mises en scènes hautes en couleurs, scènes qui auront au moins le mérite de rendre limpide la ligne dramatique de l'oeuvre.

1) Points forts
La qualité structurelle du scénario fait donc clairement apparaître les étapes de la progression du récit, les enjeux et les objectifs de chacun des personnages. Parfois plus qu'il n'en faut d'ailleurs, mais on ne peut que féliciter l'auteur, réalisateur et accessoirement comédien, d'avoir su bien articuler l'ensemble et nourrir comme il faut ses personnages, par des dialogues décidément de plus en plus clairs et suffisants. Moins bavards qu'à l'usage chez le réalisateur, ils savent en effet ici souligner les noeuds dramaturgiques en rappelant régulièrement les objectifs et les enjeux de chaque personnage, comme il se doit. Nous apprécierons aussi les petits clins d'oeil à la langue et à la culture française qui ponctuent le récit bien qu'ils n'apportent pas grand chose à sa progression, quoiqu'ils rappellent le raffinement du Dr Schultz, utile pour caractériser ses actions.

2) Points faibles
Le goût du réalisateur pour l'effet tire le récit vers la posture. Mais, comme à chaque fois chez Tarantino, on se prend au jeu et, par exemple, la musique qui vient souvent appuyer l'image ou les mises en situation souvent trop romanesques, conviennent et participent au régal de ce western d'adolescent. Seul un des derniers coups de théâtre peut apparaître invraisemblable, lorsque notre héros noir esclave est pris au piège de ses ennemis qui ne l'achèvent pas alors que nous les avions vus jusque là sans pitié envers les hommes de sa catégorie. Une sortie en deus ex-machina qui aurait mérité une plus grande attention.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit n'a pas grand chose à reprendre tant il est bien structuré. La délivrance héroïque de Django (Jamie Foxx) en fin de parcours pourrait engager juste un peu plus de vraisemblance. Par exemple, au lieu de le voir s'en tirer par un défaut de méchanceté de ses ennemis, nous aurions pu le voir s'en tirer par une pirouette verbale comme le lui avait pourtant si bien enseigné préalablement son mentor le Dr King Schultz en la personne de Christoph Waltz. De multiples placements tout au long de l'oeuvre qui auraient obtenu ici un confortable et généreux paiement. Ce Tarantino reste cela dit un bon cru.

Arzhur Caouissin.

samedi 2 février 2013

Alceste à bicyclette

Titre

Alceste à bicyclette.

Scénaristes

Philippe Le Guay, Fabrice Luchini.

Commentaire

Serge Tanneur, un comédien renfermé et en retraite, se voit proposer de revenir sur les planches pour jouer Molière et rencontre une femme qui le fait également espérer. Mais, suite à de multiples déceptions humaines, son côté misanthrope qu'il acceptait de délaisser, au contraire, se confirme. Une oeuvre par nature très littéraire qui aurait pu gagner en efficacité avec un peu plus de mise en situation.

1) Points forts
L'idée de confronter l'oeuvre de Molière, Le misanthrope (Alceste dans la pièce), à notre monde actuel, où les comportements humains se révèlent souvent égoïstes, violents, trompeurs et décevants est une idée propice à de belles mises en situation. Le paralèlle entre les textes construits en alexandrins, de Molière, et la vie de bobos en retraite sur l'île de Ré qui se prennent le chou avec une jeune actrice pornographique, un chauffeur de taxi insistant, un agent immobilier envahissant, est une belle trouvaille. C'est une manière très délicate de ramener le spectateur d'aujourd'hui à l'oeuvre de Molière, peut-être difficile au premier abord.

2) Points faibles
L'attention constante sur le texte de la pièce du misanthrope rend ce récit un peu terne. Les occasions ne manquent pas, pourtant, de nous faire vivre des situations conflictuelles. Mais les intentions des personnages sont souvent assez peu nourries à l'exception des deux principaux incarnés par Luchini et Wilson, encore que. Les conflits arrivent donc souvent comme un cheveux sur la soupe. Les actions, non organiques, donnent un côté artificiel à la trame et on observe souvent que les réactions sont soit disproportionnées, soit décalées, par rapport à la réalité de nos personnages. Cela ne remet pas en cause naturellement la qualité du jeu des comédiens qui rattrape heureusement les maladresses structurelles du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Le film est entre deux. Il ne tranche pas assez. Soit, on concède que les textes de Molière valent de réaliser une oeuvre de théâtre filmé, auquel cas il nous manque des textes et de l'immersion dans la pièce dont il est question. On aurait alors obtenu une l'Avare, comme celui joué par de Funès, ou un OVNI du type Dogville mis en scène par Lars von Trier. Soit, on considère que l'action contemporaine vaut largement les mises en situations de l'époque, et dans ce cas, il fallait renforcer ces situations et les nourrir davantage par une oeuvre plus incarnée.

Pour ne pas refaire la pièce, naturellement, il m'apparaît plus utile d’expérimenter la deuxième proposition, c'est-à-dire la version contemporaine du misanthrope. Dans ce cas, nous aurions dû connaître mieux les motivations de chaque personnage secondaire en nous permettant de participer à leurs vies sur l'île de Ré, ce qui n'a pas été le cas. Nous aurions pu recoller toutes les scènes secondaires en un fil plus probant, plus liant, plus chorale. Par exemple, la jeune actrice porno qui veut s'engager et partir à Bucarest aurait pu annoncer à sa mère, tenancière de l'hôtel, son départ. Cela aurait fait chuter la mère du chauffeur de taxi, présente à l'occasion, qui se serait cassée le col du fémur, scène choisie par les auteurs pour créer du conflit avec les deux comédiens. Chauffeur par ailleurs amoureux de l'italienne qui viendrait de le plaquer par la considération outrageuse et déplacée qu'il aurait faite de la jeune comédienne, etc, etc. Hélas, tous ces rôles existent mais sans relation aucune et sans motivation.

D'autre part, pour sortir un peu du huis clos forcé de l'île de Ré, une escapade en Italie, à Bucarest, à Paris, sur un tournage, nous aurait apporté plus d'air que celui de l'île à elle-seule, qui s'éfforce de nous divertir par des gadgets non structurels comme ces glissades répétées à bicyclette dans l'eau ou des visites répétées et impromptues d'un agent immobilier ou la sonnerie intrusive du téléphone portable.

Ce récit ne gâche pas cela dit le plaisir de voir de brillants comédiens à l'oeuvre, ni, très certainement, de redécouvrir un des plus grands classiques de la littérature française, très actuel en effet.

Arzhur Caouissin.

lundi 28 janvier 2013

Ocean's 11


Titre

Ocean's eleven.

Scénaristes

Ted Griffin, Harry Brown, Charles Lederer.

Commentaire

Danny Ocean, un gentleman cambrioleur tout juste sorti de prison, et qui vient de se faire voler sa bien aimée par le plus grand propriétaire de Casinos de Las Vegas, organise un casse en vue de se venger et de récupérer son ex. Pour ce faire, il se fait accessoirement entourer de 11 experts cambrioleurs.

1) Points forts
L'illusion de faire croire que le récit repose sur plusieurs têtes d'affiche alors qu'un seul personnage est réellement central : Danny (George Clooney). La mise en scène de Steven Soderbergh ancrée dans un style années 70 ajoute élégance à cette illusion. Les enjeux sont clairement définis. D'abord, Danny dévoile son intention de voir grand, de faire un gros coup, pour l'argent. Tous ses amis le suivent pour la même raison mercantile et pour une raison personnelle. Une deuxième placement nous pousse encore plus dans la nécessaire action lorsque Danny affirme, plus tard, qu'il est redevable d'un ancien taulard et que ce coup n'est pas seulement une histoire d'argent, mais d'éthique. Le plan d'attaque continue donc de se mettre en place en nous tenant un peu plus en halène. La vraie révélation apparaît lorsque, au pied du mur, à la seconde qui précède le cambriolage, Danny avoue agir par vengeance et par amour. La montée en puissance des enjeux entraîne tout ce beau monde dans une action insurmontable, qui, bien que souvent cousue de fils blancs, offre au spectateur un bon spectacle d'humour et de justice.

2) Points faibles
Structurellement, il n'y a pas de points faibles apparents dans la progression du récit. On regrette toutefois l'invraisemblance d'une surveillance réduite d'un coffre fort le jour où celui-ci est le plus abondamment rempli.

3) Le même scénario, réécrit
Le même scénario gagnerait en crédibilité si l'action demeurait plus vraisemblable, mais il perdrait inversement en efficacité. Le choix a été fait de valoriser l'action et le spectacle. C'est parfaitement louable. Nous retiendrons dans cette oeuvre qu'une bonne comédie chorale repose, quoi qu'il en soit, sur un fil simple pour lequel seul un personnage principal mène la barque, même si celui-ci apparaît discret. Mais ce n'est qu'une illusion. Le vrai cambriolage est celui de notre attention.

Arzhur Caouissin.

dimanche 27 janvier 2013

J. Edgar (Hoover)


Titre

J. Edgar

Scénaristes

Dustin Lance Black.

Commentaire

J Edgar Hoover (Leonardo di Caprio) a été l'homme le plus influent du FBI pendant 50 ans. Le personnage complexe affiche une mission dévouée envers son pays mais une vie privée controversée. La subtilité du héros est traitée sur le fil par Clint Eastwood offre une lecture qui manque parfois de clarté sur l'action elle-même.

1) Points forts
La profondeur des personnages offre des situations sensibles et retiennent toute notre considération. La qualité de la photographie, des décors, des costumes et de la mise en scène aussi, mais n'influent pas sur la progression du récit. Le film propose un message limpide où l'amour de deux hommes est plus fort que la haine du FBI contre le bolchévisme. On y découvre aussi l'intelligence d'un homme qui a développé les réseaux de l'information, et probablement la base du traitement des données connectées et en réseau que nous connaissons aujourd'hui.

2) Points faibles
Ce qui motive le besoin de protéger les USA contre le communisme au début du siècle dernier et l'amour que J Edgar porte envers son assistant ne sont pas incarnés par J Edgar lui-même. Il voit des incendies provoqués par des communistes, il échappe à un bombardement communiste, il est témoin de crimes commis par les rouges. Il recrute un homme intelligent et sensible qui deviendra son plus proche ami pour lutter contre l'ennemi. Sa mère le menace de devenir une chochotte. Mais jamais le scénario ne dévoile ce qui intrinsèquement doit motiver le personnage à agir. Résultat, on subit un peu un récit qui tente d'être sauvé par des flash-backs, une belle mise en scène et la mort devenue presque salvatrice d'une mère influente.

3) Le même scénario, réécrit
Le personnage de J Edgar aurait dû affirmer plus clairement les raisons pour lesquelles il souhaite protéger son pays contre le communisme en motivant les raisons pour lesquelles il devait absolument être combattu. Le même personnage aurait également dû nous éclairer sur ce en quoi la rencontre avec un homme sensible motive son attachement. Il aurait dû tout simplement énoncer ses objectifs régulièrement, plutôt que les laisser suggérer par son entourage. Le doute sur la progression de l'action n'aurait pas lieu et le propos du film condamnant les manoeuvres d'un homme de pouvoir, plus que ses choix de vie personnels, seraient apparus avec une plus grande évidence.

Arzhur Caouissin.

lundi 21 janvier 2013

Drive

Titre

Drive.

Scénaristes

James Sallis, Hossein Amini.

Commentaire

Excellente mise en scène qui lui vaut d'ailleurs un prix au festival de Cannes. Un récit cela dit pas si original, mais largement compensé par la qualité de l'écriture.

1) Points forts
Dans ce récit où un jeune pilote célibataire ne vit que pour son art, et sert de temps à autres des voyous à effectuer des cambriolages, la qualité de la mise en scène est incontestable. Ici, et pas seulement au niveau de l'image et du cadre, les scènes offrent souvent plusieurs niveaux de lecture. On relève, par exemple, cette scène dans un motel où Ryan Gosling (le driver) se cache discrètement dans la pénombre tel un prédateur qui rentre dans sa carapace ou dans son terrier, après avoir piqué et tué, et en étant revêtu bien sûr de son blaser estampillé d'un scorpion. Ou cette autre scène dans laquelle le fils de sa voisine lui tend une balle de tir en lui demandant de le protéger, et passe ainsi le relais à notre héros en nous signalant que cette balle ouvre le feu de l'action, et transmet, à cet homme célibataire, un gage de paternité. Cette autre scène encore où Irène, la mère célibataire, saisit la main de notre héros, alors qu'il conduit. Le héros, tout en acceptant la caresse, ne décroche pas du levier de vitesse, comme pour nous prévenir qu'il reste et restera avant tout accroché à sa voiture, son symbole de liberté. Enfin, celle-ci où Irène encore, lance à Ryan Gosling, qu'elle est désolée de débarquer maintenant, à ce moment de la journée. Petite réplique qui nous positionne évidemment plus haut dans le récit en nous faisant comprendre que cette femme vient en effet bousculer, non pas la journée, mais la vie tranquille de notre héros. Bref. Tout est écrit avec une très grande sensibilité, brillamment reflétée dans l'image et la musique. On passe sur le principe structurel du film où le héros conduit sa vie, avec un contrôle précis, comme il conduit les voitures.

2) Points faibles
L'idée d'un récit axé sur un justicier dans la ville n'a rien de très innovent malheureusement. Le film ne serait pas porté par un profond niveau de lecture et une bonne mise en scène, ou si le spectateur n'y a pas été sensible, le récit ne séduirait pas. La musique impose également une lecture froide, qui compense un jeu peut-être un peu simpliste, pourtant nécessaire en regard de cette oeuvre d'un style minimaliste efficace.

3) Le même scénario, réécrit
Pour accompagner la qualité de l'écriture à l'aide d'une idée un plus originale, il aurait pu être intéressant de repenser l'intrusion un peu classique de la mafia et la réaction un peu binaire du héros. Mais le récit fonctionne par son efficacité et sa simplicité. Ce qui le porte hors du temps. Le succès de l'oeuvre repose aussi en partie sur un style non traité depuis plusieurs générations, un vent de nostalgie qui réintroduit l'époque d'un certain James Dean, comme l'a fait également Clint Eastwood avec Gran Torino.

Arzhur Caouissin.